50. HADE

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Flares, The Script.

TW: Torture, blessures graves.

HADE N'AVAIT JAMAIS AUTANT haï être différent qu'à ce moment. C'était parce qu'il était noir que le policier lui avait broyé la main dans le centre commercial; c'était parce qu'il n'était pas blanc qu'il n'avait pas cessé de le tourmenter sur le trajet jusqu'à un centre de transit, dans lequel il serait détenu avec les autres prisonniers; c'était parce qu'il était né ainsi qu'il fut martyrisé le jour suivant.

Hade n'avait pourtant jamais rencontré d'adversité lorsqu'il vivait dans les bois. Il gambadait, il courait, il riait aux éclats comme ses trois amis sans que sa couleur n'interfère de quelque manière que ce soit avec le monde et son entourage. Il avait commencé à se rendre compte que cette différence était interprétée par certains comme problématique, qu'être noir n'était pas comme être blanc dans la vie sociétale, quand il s'était retrouvé dans un Centre pour Enfants Inadéquats: le jeune garçon était constamment dévisagé, telle une bête de foire. Il sentait couler leurs brimades, leurs murmures, leurs airs dédaigneux sur son visage livide.

Hade avait cru qu'il allait finir par s'y habituer, que ses amis étaient assez pour supporter cette situation, mais il en souffrait. Le garçon n'avait pas osé en parler à Elior, Roan ou Achille, il doutait qu'ils comprennent ce qu'il vivait, même si eux-mêmes étaient mis à l'écart. Les enfants pouvaient être très cruels, parce qu'ils ne saisissaient pas les notions de limite et d'imprudence. Ils agissaient sans réellement se poser de questions, davantage au jour le jour que le pouvait consciemment un adulte, qui parvenait à développer souvent une vue d'ensemble, afin de prévoir les conséquences.

Hade avait acquis une certaine maturité au fil du temps, un sens qui lui soufflait à l'oreille que cela allait plus loin que de simples enfantillages, que ce qui semblait n'être que des jeux d'enfants pouvait se révéler dangereux et vicieux. Selon Hade, il n'était pas d'enfant qui fût méchant, il n'était que des idées pernicieuses qui fleurissaient dans les esprits et qui concouraient à rendre un enfant sournois et grossier. Pour ce qui restait de savoir comment elles étaient venues à pousser dans leurs têtes, le garçon était partagé entre les adultes, et la force des choses, comme l'on se forge une carapace autour de son coeur pour le préserver.

À l'âge de douze ans, comme les autres enfants, Hade avait commencé à suivre un apprentissage de l'extraction du Caelisya, de la confection de vêtements, de meubles, et poursuivait son entraînement physique, en dépit de l'absence d'un enseignement cérébral. Il savait lire, néanmoins, et écrire, grâce à ses parents, mais il ne connaissait guère plus que les brèves connaissances de ses parents, dont celles en histoire se limitaient à ce qui s'était déroulé avant l'an 2269 — la première de leur exil volontaire dans les bois. Le jeune garçon aurait aimé satisfaire son désir d'apprendre, mais il ne lui était pas permis de s'instruire ou de se cultiver.

À treize ans, les enfants du centre étaient envoyés dans les souterrains sous la capitale, où ils étaient éparpillés afin de combler les places vides dans les différents secteurs. Leur nombre variait selon les années, parce que les enfants étaient des naissances secondaires, des orphelins, des progénitures de parents condamnés ou les ayant conçus dans les souterrains même. Cependant, cette année de 2283 fut augmentée de trois enfants d'un nouveau genre: des progénitures d'exilés.

Une faveur leur fut octroyée puisqu'ils ne furent pas séparés; une seconde fut accordée quand, l'année suivante, Achille les rejoignit à son tour. Cette année passée loin de ses amis n'avait fait que l'assombrir et ses frères le trouvèrent transformé, davantage encore que le centre avait pu le faire en l'espace de quatre ans.

Ils l'étaient tous, à dire vrai. Hade avait fait face à une nouvelle vague d'insultes, de gestes obscènes dans les souterrains. Les adolescents qu'il rencontra dans son secteur le prirent rapidement en grippe, et les enfants du centre, qui avaient pourtant peu à peu diminué leur agressivité envers lui, s'étaient remis à le traiter comme s'il n'était qu'une anomalie.

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