o7. ACHILLE

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Dear God, XTC.

TW: Termes sexuels, viol, pédocriminalité, alcoolisme, décès.

EN RAISON DE SON COMPORTEMENT EXCESSIF, Achille, qui n'avait pas reçu de correction en public, s'était vu supprimer la collation du soir.

À ses yeux, cela importait peu. De toute manière, lorsqu'il l'enfournait dans sa bouche, cela avait un goût fade, et ne parlons même pas du fait que ce n'était pas le moins du monde un cale-faim. Au fil des ans, il mâchait ces restes de nourriture du repas du midi sans même y songer — il aurait pu avaler du carton que cela n'aurait fait aucune différence.

C'était le troisième jour sans repas du soir. C'était samedi. Pour n'importe quel garçon du dortoir, cela signifiait une plus petite journée de travail le lendemain et plus de temps de sommeil. Mais Achille était emmêlé dans un cercle vicieux.

Le samedi était le jour qu'il attendait avec la plus grande des impatiences, mais qu'il craignait une fois qu'il arrivait. C'était le jour de son approvisionnent.

Le jour où son frère avait passé l'arme à gauche, il était à l'infirmerie. Or, Roan demandait plus d'attention et de soins que son cas. Une fois que Hade avait quitté la pièce — bien qu'il ait insisté encore et encore pour rester auprès de lui —, Achille avait commencé à fouiller dans les placards. Il ne savait pas ce qu'il cherchait en commettant une telle enfreinte au règlement; il ressentait simplement le besoin de le faire.

Il avait haussé un sourcil face au placard des médicaments — juste un tas de petites boîtes renfermant des pilules de toutes les couleurs. Il avait refermé la porte et son regard s'était posé sur un placard à même le sol. Ce qu'il cherchait, sans savoir ce que c'était, se trouvait à l'intérieur.

Il enjamba la distance entre le placard et lui et s'accroupit en face de celui-ci. Achille fit pivoter la porte de droite sur ses gonds, puis celle de gauche.

Des bouteilles, différentes sortes de liquides, mais une majorité d'alcool — de quoi désinfecter les plaies de tout un régiment.

Durant un court instant, Achille pensa que c'était mal, qu'il ne devrait pas se laisser tenter, mais le désir était fort. Il voulait goûter cette boisson qui rendait les buveurs guillerets et étourdis, il voulait oublier la réalité de son existence pour quelques minutes. Et, par dessus tout, il voulait changer.

Mais en portant ses lèvres au goulot de la première bouteille venue, il n'allait pas rendre son quotidien plus acceptable, il n'allait pas se rendre plus joyeux ou extraverti.

Il allait tomber dans un tourbillon d'addiction, d'aigreur et de souffrances.

Certes, il voudrait parvenir à ne pas quitter le dortoir chaque samedi, à s'éclipser juste avant la fin du repas du soir pour que personne ne remarque son absence, mais cette habitude s'était ancrée en lui, et il avait autant peur de ce qu'il surviendrait s'il n'y allait pas que des effets sur son organisme.

Il ne pouvait se confier à personne, car personne ne voudrait l'écouter. Le garçon qui avait perdu son frère avait sombré dans l'alcool? Et? Ce n'était pas inévitable, après tout. C'était ce qu'Achille était sûr qu'ils penseraient.

Le seul qui ne l'aurait pas jugé et ne le jugeait pas était un être inattendu, qui avait une place de plus en plus imposante dans sa vie. Ils ne se parlaient pas, du moins, pas directement. Achille ne lui disait rien, mais lui, lui transférait des mots griffonnés sur des bouts de papiers. Il les glissait ensuite entre les pages des livres qu'il offrait à Achille, chaque samedi depuis plusieurs semaines.

Ce garçon, c'était Harry Hardeu, le jeune cadet qui s'était retrouvé à travailler dans les souterrains il y avait quelques mois de cela, peu après la mort de Roan, pour remplacer le garde blessé par ce dernier.

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