Mythomania

40. ACHILLE

Carry you, Ruelle ft. Fleurie.

TW: Alcoolisme, traumatisme.

SUITE À LEUR DISCUSSION, Hade avait exhorté Gabrielle à l'aider à retrouver Achille; le garçon pouvait se trouver n'importe où. La jeune fille accepta aussitôt. C'était la moindre des choses qu'elle pouvait faire, bien qu'elle ne comprenait pas pourquoi il était suspicieux qu'Achille se soit volatilisé pour un temps.

— Je vais demander à une ou deux personnes de nous accompagner, tu veux bien? On pourra couvrir plus de terrain, suggéra la jeune fille.

— C'est ce que j'avais en tête. Je comptais demander aussi à un ami de partir à sa recherche. Je ne suis pas très utile dans l'état où je me trouve...

Gaby baissa un instant le regard sur son torse. La veille, le jeune homme ne semblait pas couvert de la moindre blessure et il se retrouvait à présent à souffrir d'un mal à ses côtes. Même si cela la démangeait de lui demander comment il s'était blessé, Gabrielle appréhendait de lui raviver de mauvais souvenirs et se retint de lui adresser les mots qui lui brûlaient les lèvres. Ce n'était pas le moment.

— Je vais aller leur parler... l'informa Gaby en désignant la boutique dans son dos. Où veux-tu qu'on se retrouve?

— Je ne bouge pas d'ici. Hortense refuse que je m'épuise de quelque façon que ce soit. Je me suis dit qu'elle apprécierait d'aller le chercher à ma place.

Gaby décelait un brin d'amertume dans la voix du jeune homme. Hade n'aimait pas être traité comme un enfant, mais la jeune fille faisait ça pour son bien. La santé passe avant l'ego, et si Hade voulait recouvrir la forme pour affronter l'avenir tonnant qui se profilait devant leurs yeux, il devait l'écouter.

— Tu sais que je ne fais ça que dans ton intérêt, Hade, se joignit à la conversation Hortense.

Une mèche rebelle ne cessait de retomber sur le bord de son visage, et ses efforts pour la ramener derrière son oreille étaient vains. L'adolescent posa ses yeux sur elle. Il ne lui en voulait pas, il n'y avait qu'un mélange de tristesse lasse et d'amitié dans ses iris bruns. Sa rancœur ne lui était pas adressée, elle le consumait lui seul, il se voyait comme l'unique responsable et le coupable qui devait en pâtir. Il portait le monde sur ses épaules, le monde des vivants et celui des morts, mais ce n'était pas assez. Il n'avait pas su éviter les pertes de Roan, d'Elior et les agressions des gardes sur Achille. Quel grand frère pouvait permettre que cela soit la réalité?

— Je sais, je sais, soupira Hade. Est-ce que tu pourrais demander à Thomas de nous rejoindre ici? Je sais qu'il a eu des différends avec Achille, mais il était ami avec... avec Elior, alors il devrait pouvoir faire ça pour lui.

Il lui sembla qu'une éternité avait passé depuis la mort d'Elior. Il avait l'impression d'avoir vieilli de plusieurs années en une nuit, il se sentait affaibli, drainé de son énergie, de sa volonté. Hade aurait souhaité au fond de lui s'allonger sur son lit, fermer ses yeux et ne les rouvrir que lorsque tout serait terminé. Il était fatigué, fatigué de ce présent, mais il ne l'aurait jamais avoué ni osé accabler ses proches — il redoutait que lui soient retournés contre lui son altruisme et sa bonté, tel le martyre qui désire éprouver le fouet plutôt que de ne rien ressentir du tout.

— J'y vais de ce pas. Tout va bien se passer, crois-moi. Achille tient plus à toi et à la vie qu'il ne le laisse paraître.

Hade suivit du regard Hortense qui le contournait pour rejoindre la boutique où dormaient les garçons de son secteur. La jeune femme avait formulé à voix haute ce qu'il craignait en pensée. Achille et la vie, Achille et la mort, quelle association choisirait-il au moment critique? Hade ne voulait pas former d'hypothèses, le futur le terrifiait.