Mythomania

29. ACHILLE

The killing moon, Echo and the bunnymen.

— ELIOR? PRESQUE TUER CHAVAL? C'est quoi ce bordel? Il ne se mettrait jamais autant en danger, c'est n'importe quoi, s'offusqua Achille.

— Pourtant, c'est bien ce qui s'est passé. Je l'ai eu devant mes yeux, j'ai vu son corps en sang, inconscient, meurtri.

Achille sentait son visage se décomposer sous le poids de cette nouvelle. Il ne parvenait pas à concevoir Elior commettre un acte d'une telle extrémité. Soit il pouvait répliquer aux menaces, provoquer les gardes, néanmoins, il n'avait pas souvenir qu'il ait un jour lever la main sur un des gardes, encore moins Chaval, le garde en chef. Ce n'était plus être effronté à ce stade, mais suicidaire.

— Pourquoi il a fait ça? Non... je veux d'abord savoir ce qu'il s'est passé pour lui après ça, rectifia l'adolescent.

Hortense se mordit la langue d'anxiété. Elle savait qu'elle ne pouvait dire la véritable version des faits car son frère lui avait défendu de la relater à quiconque. Néanmoins, même si elle ne lui racontait que la vérité perçue par les autres gardes, il persistait un détail délicat: c'était Harry qui avait frappé et assommé Elior. Le seul moyen d'excuser avec conviction ses gestes serait d'exposer ses raisons, mais elle ne le pouvait, à cause de sa promesse. L'infirmière décida qu'elle allait d'autant plus enjoliver la réalité pour Achille, cela importait peu s'il ne savait quel garde avait commis l'acte.

— Un garde est arrivé sur les lieux, l'a trouvé au-dessus du garde en chef, saignant sur le lit, les yeux clos, et n'a fait que défendre son supérieur. I-il lui a arraché la statue des mains et la lui a cognée sur la tête jusqu'à ce qu'il en tombe inconscient lui aussi.

Le visage d'Achille se tordit en une moue horrifiée. Il ne pouvait plus dissimuler ses sentiments; qu'importe le degré de sa rancune et de sa colère envers lui, il était un frère de cœur et la souffrance d'un frère fait écho dans l'esprit d'un autre. Sa tension montait en grade, alors qu'il réfléchissait sauvagement aux événements.

— Où est-il à présent? Qu'est-ce qui est advenu de lui?

Une nouvelle fois, Hortense était confrontée à une question épineuse. Elle ne savait, cette fois, quoi dire. Il n'était plus question de respecter une promesse, car Harry lui avait stipulé qu'Achille avait le droit de savoir où était Elior, d'autant plus qu'il était parvenu à le faire s'échapper. Mais Hortense était partagée, elle ne savait pas comment réagirait Achille, ni s'il ne risquait pas de dévoiler ce secret condamnable à quiconque autre que Hade, par inadvertance.

La langue était connue pour révéler des éléments que l'on aurait préféré garder pour soi. Cependant, elle ne voulait pas prendre de risques, car son frère venait de commettre un crime grave, celui d'aider un esclave à s'échapper et, par extension, de violer les lois et le système établi. Harry venait de mettre en danger toute l'organisation du pays en libérant Elior, victime directe de la politique secrète du gouvernement, qui pouvait témoigner à tous.

Nul ne pouvait le contredire car il avait conservé la couleur de ses cheveux — et il était aisé de prouver qu'il ne les avait jamais teint —, et il ne possédait ni tatouage ni puce. De fait, il n'existait pas jusque-là aux yeux de la France, seule sa force de travail était reconnue, mais il apparaîtrait comme l'être de chair et de sang là-haut, résultant en un bouleversement total de la société.

C'était une vision personnelle de la situation, mais Hortense pressentait pourtant que c'était ce qui allait inévitablement survenir. Ce faisant, l'infirmière prit la décision de ne pas tout dire à Achille, car elle jugeait la responsabilité de lui annoncer trop lourde pour ses épaules. Harry était le commanditaire, ce serait à lui de s'en charger. De toute manière, lorsque Hortense lui aurait dit ce qu'il avait besoin de savoir pour le moment, il se rendrait compte que la chose était douteuse quand il rencontrerait le jeune garde dans une galerie.