17. ELIOR

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Roots, Imagine Dragons.

ELIOR SENTIT DES SUEURS FROIDES couler le long de son dos. Les pensées filaient dans sa tête, s'entremêlaient pour former un mélange hétéroclite d'impressions et d'émotions.

Le garde l'avait contre son gré rapproché de Thomas pour qu'il ait la meilleure vue sur ce qu'ils avaient fait de lui. Chaval l'avait alors libéré de ses bras vigoureux et s'était positionné à la gauche d'Elior.

Des pulsions opposées s'affrontaient en ce dernier. Il était, d'un côté, dans un tel état d'esprit d'épuisement qu'il pourrait simplement se laissait aller à la résignation et faire face à ce qui devait lui arriver. Mais, de l'autre, Elior sentait que chaque situation, chaque acte des gardes nourrissaient une rage jusqu'à présent retenue.

Il jeta un rapide regard autour de lui, peut-être pour apercevoir une issue ou un objet lourd avec lequel il pourrait assommer Chaval. Mais, après tout, ce serait empirer les choses que de tenter une action si vaine. Il pouvait tout autant rater son coup qu'attirer l'attention des gardes dans la pièce voisine avec le bruit du corps de Chaval chutant sur le sol.

— Ça lui va bien d'être si calme, tu trouves pas? Je le trouvais trop actif ce gamin, remarqua le garde en chef.

Elior avala sa salive prestement, ce brutal retour à la réalité l'ayant surpris. C'était comme si le monde avait été mis en pause durant sa réflexion, alors qu'il s'était enfermé dans une bulle. Il garda ses yeux tournés vers son ami, ne pouvant se résoudre à les tourner vers Chaval. Il redoutait de lui sauter au cou si leurs regards se croisaient.

— Par contre, je dois dire que c'est nettement mieux de faire ses petites affaires avec un garçon pleinement conscient qu'avec un qui est—

Le garde Chaval ne put terminer sa phrase car l'adolescent aux cheveux roux venait de cogner brutalement de son talon son tibia. D'instinct, il releva sa jambe en angle droit pour attraper son mollet meurtri. Elior ne réfléchit plus et décida, pour une fois, d'agir en toute spontanéité, même si cela impliquait de ne plus pouvoir faire machine arrière.

Il ramena en arrière une mèche de cheveux lui troublant la vue. Sa peau miroitait sous la lumière artificielle à cause de la sueur qui se générait sous l'effet du stress ou de l'adrénaline.

L'adolescent se plaça devant le garde et le poussa sur le lit derrière lui d'un coup de pied dans le ventre. Il attrapa une sorte de statue qui se trouvait sur une petite table accolée au lit et frappa sans réserve le visage sévère de Chaval. Il recommença une deuxième fois, puis une troisième. Il ne comptait plus ses coups — qui atterrissaient quelques fois à côté de sa tête —, il n'était plus que l'animal qui se défendait contre son prédateur, qui était devenu sa propre proie.

Quant enfin il s'arrêta, il contempla son œuvre. Elior sentit sa respiration se saccader et ses mains se mettre à trembler, l'objet du crime toujours tenu fermement. Le visage de Chaval n'était plus le même, il était cabossé et en sang. Le nez était cassé, la lèvre éclatée, les yeux gonflés.

Néanmoins, par un miracle inconnu, Elior perçut un très faible souffle filtrant entre ses lèvres. La poitrine du garde n'était pas immobile; il était toujours en vie. Le garçon en fut quelque peu soulagé, il n'aurait su comment répondre d'un tel meurtre et conserver la vie sauve ensuite.

Il ne savait cependant comment il allait pouvoir expliquer ses actes. Lever la main sur un garde était un acte qualifié d'impardonnable, et Elior avait fait pire encore. Il avait presque tué Chaval, lui assénant des blessures durables et douloureuses.

Il se décida enfin à lâcher la statue qui tomba sur le drap, à côté de la tête du garde. L'adolescent déboussolé descendit du lit et se remit debout. Il avait été trop loin. Il n'aurait même jamais cru être capable d'une telle chose, d'une telle violence. Comment imaginer pouvoir arracher la vie d'une autre personne?

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