41. ESTIA

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Cry baby, Melanie Martinez.

LA NOUVELLE ENCOMBRAIT LES JOURNAUX TÉLÉVISÉS à longueur de journée depuis les faits. Des explosions avaient eu lieu dans tout le pays, particulièrement dans Paris. Chacun voulait avoir son mot à dire, donner son opinion, élaborer des hypothèses face à ces actes vandales.

Ils s'étaient presque tous déroulés simultanément dans la soirée du mardi, à la nuit tombée. C'était une action groupée, organisée, réfléchie et mise en oeuvre avec précision. Les autorités n'avaient mis la main sur aucun possible suspect; tous et toutes s'étaient volatilisées dans la nature. Depuis, plus aucune action n'avait eu lieu et le groupe auteur des explosions n'avait pas fait état de la moindre revendication. C'était à se demander quel était le but de cette action, selon certains présentateurs.

Estia enroula une de ses mèches de cheveux bleus autour de son doigt. Elle se languissait de ses amies. À présent, elle devait supporter les tirades vaguement intelligentes de ces camarades de classe qui essayaient de décrypter la situation.

— Je te dis que c'est des étrangers qui sont entrés dans le pays illégalement!

— Mais bien sûr... Et ils sont entrés comment tes étrangers? Tu crois que c'est un moulin le pays? Ils ne passeraient pas inaperçus sans les attributs de leur zone, crétin.

— C'est peut-être le gouvernement qui les a fait entrer et tout. Ils préparent peut-être un mauvais coup et veulent nous faire tourner la tête ailleurs!

— Tu crois aux fantômes aussi, tant que tu y es? C'est n'importe quoi. C'est sûrement que des gens furieux contre les dirigeants ou je sais pas quoi, et qui se sont dit que cinquante ans après le Voile, c'était à fêter!

— Ils auraient dû faire un gâteau géant, ça aurait été plus utile...

Estia garda son regard dans le vide un instant. C'était vendredi, le dernier jour avant le repos. L'été avait débuté la veille et, déjà, l'air chaud et estival embaumait les salles de classe; dans la tête fleurissaient des envies de fêter le soleil brûlant, les peaux découvertes, les soirées en préparation, les boissons fraîches sirotées au bord d'une piscine. C'était la perspective de deux mois mouvementés avant que ne débute leur avant-dernière année dans leur lycée parisien.

Malheureusement, Estia savait que cet été serait différent de tous ceux qu'ils avaient déjà vécus; les explosions en étaient les prémices.

Autour d'elle s'agitaient les élèves de sa classe, du moins ceux qui étaient venus. Suite aux événements, de nombreux parents avaient refusé que leurs progénitures continuent à se rendre en classe: ils avaient peur qu'ils se retrouvent blessés par quelque méfait perpétré par les poseurs de bombes.

Estia était venue. De toute manière, ses parents travaillaient et elle ne souhaitait pas rester chez elle à se lamenter. Elle ne cessait de songer à Phoebe et Laïa auprès des rebelles, auprès de sa tante, qui était à l'origine de tout cet ébranlement des esprits. La jeune fille posa sur ses joues rondes ses mains blanches, pensive. Elle avait demandé à Elisa pourquoi elle ne pouvait pas les rejoindre, tout comme ses amies, mais sa tante lui avait expliqué qu'elle devait garder un œil sur la situation, cela de l'intérieur. Nul ne la soupçonnerait de travailler au compte des rebelles.

Cependant, l'adolescente n'en était pas si sûre. Deux jours auparavant, elle avait été appelée par la directrice alors qu'elle était en cours. Estia avait été emmenée dans une salle de classe vide, où l'attendaient deux policiers en uniforme. Lorsqu'ils se furent installés à une table, ils lui avaient appris qu'ils étaient venus lui parler dans le cadre des deux annonces de disparition d'adolescentes, et d'une troisième qui ne voulait pas être crue comme disparue.

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