45. HADE

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Achilles come down, Gang of youths.

TW: Suicide, mort violente.

HADE S'ÉTAIT INTÉGRÉ À LA FOULE des garçons qui suivaient le rebelle. Il marchait sur leurs traces d'un pas mécanique, l'esprit engourdi par les médicaments et par son état émotionnel. Sa douleur la plus forte se trouvait dans sa tête; bien qu'il ne le montrait guère, le jeune homme appréciait d'avoir tout en contrôle, que tout suive le cours des choses.

Or, depuis quelques jours, leurs existences avaient déraillé et Hade se sentait désarçonné. La vie avait commencé à renaître sur un sentier différent et il avait le sentiment d'avoir manqué le départ. Il ne parvenait pas à retrouver son caractère raisonné et résilient qui lui était inhérent.

Il avait passé ces deux derniers jours terré sur son sac de couchage — il lui avait été refusé un lit apparemment à cause du fait qu'avait d'ors et déjà été octroyé un entier à Achille — à ressasser, à se lamenter, à pleurer. Hade se sentait vide, asséché; il était une éponge qui venait enfin à s'essorer, mais c'était plus éprouvant qu'il ne l'aurait cru.

Sa tête paraissait se disloquer, ne plus l'écouter, prendre le dessus. Il sombrait, et il était seul, sans phare à l'horizon, si ce n'était la présence effacée et torturée de son dernier ami, Achille. Le jeune garçon était le seul qui lui restait, et Hade craignait pour sa vie plus qu'il n'avait jamais eu peur pour la sienne. Suite à cette journée du mercredi, il avait presque eu la sensation qu'on lui avait arraché son cœur encore palpitant et bouillant, qu'on l'avait nargué en le plaçant tout près de lui sans qu'il ne pût pourtant jamais le saisir.

Sa première pensée avait été que le jeune homme aurait pu mourir sur ce toit; il aurait pu tomber ou il aurait pu sauter volontairement. En effet, qui pouvait savoir ce qui se pensait dans son esprit? Quels mots le traversaient et le brisaient? Quels souvenirs l'harcelaient sans que son visage ne le dévoile? Quel dessein se dissimuler derrière un filet de sourire?

Hade se souvenait avoir eu du mal à inspirer de l'air soudainement, c'était comme si son corps refusait de faire entrer de l'oxygène en son sein. Il avait essayé d'avaler de grandes goulées, de les forcer à entrer dans ses poumons, à alimenter ses muscles, ses membres, son cerveau. Cependant, ce dernier semblait s'affoler plus que tout autre, il chauffait, il tournait, tournait, et ne voulait plus s'arrêter.

Hortense avait pris sa tête entre ses mains pour l'obliger à la regarder, alors que Hade paniquait au-delà du supportable. Il ne savait plus comment respirer — avait-il jamais su de toute manière? —, l'air refusait d'entrer malgré ses efforts, et la peur enflait en lui; la peur primitive de la mort, la peur de l'incompréhension, une peur incontrôlable. Il lui semblait qu'il allait perdre connaissance, qu'il allait s'éteindre de fatigue de trop s'agiter, que son cœur n'allait plus endurer longtemps cette détresse.

Hortense lui avait demandé de caler sa respiration sur la sienne, de ne plus rien faire d'autre que la regarder et se concentrer sur l'air qu'il inspirait et expirait. Comment contenir tout son esprit sur un unique objectif dans une telle panique? Pourtant, il s'était activé, pour ne pas mourir, pour ne pas baisser les bras, pour reprendre la barre du navire qu'était son être.

Hade n'avait plus expérimenté d'autres crises de panique de la sorte par la suite. Il était dans un état si nébuleux qu'il ne pensait pas que cela pouvait se reproduire tant que la lucidité était absente. La brume dans sa tête l'empêchait d'affronter tous ses démons de front et d'un seul coup. Il ne faisait que les croiser, emmêlés, indistincts, bien que la douleur du deuil le frôlait sans cesse. Il avait été frappé de plein fouet par la disparition d'Elior. Il la ressentait finalement, dans toute sa splendeur, et la souffrance était si grande qu'elle paraissait infinie.

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