1o. ELIOR

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Breathe, Fleurie.

ELIOR SE RÉVEILLA À L'AUBE, alors même qu'il pouvait s'octroyer une ou deux heures de sommeil de plus. Il ne parvenait jamais à en profiter — son corps était réglé comme une horloge.

Le dortoir était silencieux. La nuit n'était pas terminée mais, grâce à l'ampoule diffusant une lumière faible, il pouvait percevoir tout autour de lui. Il embrassa du regard tous les lits encombrant la pièce.

Le dimanche matin lui permettait de réfléchir. Tous dormaient, et il n'avait nul besoin d'être sur ses gardes constamment. C'était une sensation qu'il voyait comme étrangère et tentatrice. Mais avait-il un autre choix? Pas véritablement, selon lui. Il s'était fait vœu de veiller sur ses amis. Néanmoins, il avait oublié qu'ils étaient mortels. Que les personnes mourraient, qu'importe à quel point on tenait à eux.

Était-ce ce que certains garçons, les corps plongés dans l'inconscience, avaient enduré? Thomas avait tué son père et avait perdu sa mère. Il n'avait plus aucune famille. Combien d'autres encore avaient dû faire face à la mort, à leur si jeune âge?

Elior s'était souvent demandé pourquoi autant d'enfants étaient ici. Pour quelle raison le gouvernement aurait décidé de les faire loger et travailler six pieds sous terre? Y avait-il même la moindre raison valable? Il était clair que ses amis et lui avaient une raison évidente. Du moins, c'était indirectement leur faute. Ils venaient tout de même de l'autre côté des frontières. Personne ne pouvait se vanter d'avoir habité au-delà pendant près d'une décennie.

Qu'était-ce alors? Certains auraient-ils volé? Elior se souvenait qu'une fois, petit, il avait volé la pomme d'Achille. Lorsque les parents du garçon aux cheveux noir corbeau avaient découvert le fautif, il avait été grondé et sommé de ne jamais recommencer.

Mais ses parents ne l'auraient jamais laissé travailler dans de pareilles conditions. D'ailleurs, c'était absurde, où étaient leurs parents? Ils n'étaient tout de même pas tous décédés? Ils n'avaient pas l'air de se faire du souci, de se demander comment leur enfant se portait, s'il mangeait à sa faim. Elior se prit soudain à regretter tristement sa vie d'avant; il ne l'avait pas assez savourée à son goût.

Un mouvement suspect capta son attention à quelques lits de là; un des adolescents s'éveillait. Elior se releva et porta son attention sur le garçon. Il reconnut Thomas et son bras qui commençait à mieux se porter. Ses cheveux bleu pâle étaient ébouriffés et sa joue, rougie, était marquée par le pli de son oreiller.

Silencieusement, il bâilla et s'étira en prenant son temps. Elior se sentait amusé et inconfortable à l'idée d'observer à son insu le jeune garçon. Finalement, ce dernier jeta un regard circulaire dans le dortoir et rencontra les yeux d'Elior.

— Salut mec, articula-t-il, dans un murmure.

— Salut.

Depuis l'incident du déjeuner de jeudi, ils s'étaient à peine adressés des bribes de mot pour se saluer le matin et des banalités durant le repas. Bien que sa présence à table avait déclenché une dispute, Thomas n'avait pas baissé les bras.

Le vendredi, il avait demandé une nouvelle fois pour s'installer avec Elior, Achille et Hade. À peine s'était-il installé suite au hochement de tête de son ami aux cheveux roux, qu'Achille quittait la table pour s'installer à une autre. Hade avait fait la moue, en fixant son repas. Il avait levé les yeux vers les deux garçons et s'était excusé pour le geste qu'il allait faire:

— Je ne peux pas le laisser manger seul, vous comprenez? On est toujours amis, mais Achille l'est aussi et je ne veux pas qu'il reste seul.

Tous les deux avaient approuvé sans dire un mot. Ils n'avaient aucune opinion sur le fait que Hade se soit levé à son tour de table, si ce n'est un pincement au coeur pour Elior. Il ne parvenait pas à se racheter auprès d'Achille. Il ne savait même pas s'il y parviendrait un jour.

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