51. CHARLES

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A little wicked, Valerie Broussard.

CHARLES ÉTAIT HORS DE LUI. Il avait toujours fait en sorte que tout fonctionne comme il lui convenait, que chaque chose se trouve à la place qu'il lui avait attribuée. À chaque instant, il fallait qu'il soit certain d'avoir la situation en contrôle, qu'il dispose d'une porte de sortie ou d'un plan minutieux. Même lorsque le jeune homme obéissait aux ordres d'un supérieur, il n'était jamais totalement soumis à ses ordres, comme s'il était un agent infiltré pour son propre compte, trompant sans cesse tout en restant loyal au seul être qu'il jugeait assez digne: lui-même.

Cependant, alors qu'il concluait sa conversation avec Laïa, qu'il s'apprêtait à débuter ce qui devait être les prémices de sa toute nouvelle existence dans la profusion et la sécurité, un coup avait résonné contre le battant de la porte. Tout d'abord, il avait décidé de ne pas se lever, de laisser l'individu venu les déranger repartir de là où il venait, mais Charles s'était souvenu avoir souligné le fait qu'il ne tolèrerait pas être interrompu durant son entretien, hormis si cela relevait d'une urgence absolue.

Lorsqu'il avait statué sur ce caractère qui, seul, était apte à calmer son tempérament impulsif, s'il venait à être abruptement dérangé dans une affaire importante, le jeune adulte avait prononcé ces mots comme l'on discourt sur l'importance de ne pas conduire ivre — une précision futile, évidente, que l'on précise tout de même puisqu'il en était ainsi. Charles les prenait pour vrai, néanmoins, aussi nonchalant qu'il avait pu sembler en les déclarant, et il était certain que le message était passé.

De ce fait, un doute s'était immiscé dans son esprit: qu'est-ce qui était assez grave pour le faire appeler? En rétablissant une figure implacable, modifiée une seconde pour un air perturbé, Charles avait rejoint la porte, qu'il avait fait coulisser d'une pression de son doigt sur le détecteur digital à la droite de l'ouverture.

Le garde à la face patibulaire qui se présentait à lui n'avait pas cherché à l'adoucir, mais lui avait aussitôt appris la nouvelle, sans faire le moindre détour inutile. Charles s'était senti en premier lieu déstabilisé, confus de ce soudain regain de désordre dans un plan conçu pour fonctionner du début à la fin; puis y avait succédé une colère tournée vers tous les êtres autour de lui. Pourquoi fallait-il qu'il soit entouré de tant d'incapables qui lui portent préjudice avec tant d'aisance? Qu'y avait-il de compliqué à tenir enfermée une bande d'enfants dans une pièce doublement verrouillée?

— Qui est celui qui s'est enfui?

— Nous n'en savons encore rien. Nous pensions qu'aucun ne s'était enfui puisqu'ils étaient encore tous là, mais... un doigt a été arraché, comme je l'ai dit, et il est resté introuvable.

— Faites donc parler ces foutus esclaves. Il est hors de question que l'un d'entre eux s'échappe, nous les avons, nous les tenons, vous le comprenez ça? rugit presque Charles, les nerfs à vif.

Le garde hocha la tête, une lueur de crainte dans les yeux, alors qu'il était plus âgé d'au moins une dizaine d'années par rapport au jeune homme qui se tenait devant lui. Cependant, ce qui l'effrayait n'était pas qu'il fût sous les ordres de Charles et qu'il pût être pénalisé, voire renvoyé par lui, mais plutôt parce qu'il voyait sourdre en Charles une audace compromettante, celle d'un homme capable des pires méfaits pour parvenir à ses fins. Le garçon était capable de tuer, et le garde, à choisir, aurait jugé qu'il avait déjà auparavant fait tomber dans le gouffre de l'éternité un individu.

— Attendez, le retint Charles, alors que l'homme tournait les talons. Je vais les voir moi-même. Je suis un gars de leur âge, ils me causeront. Occupez-vous de la ramener dans sa cellule avec les autres plutôt.

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