34. GABY

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Start a war, Klergy ft Valery Broussard.

GABRIELLE ENTRA, LE SOUFFLE COURT, dans le bâtiment colossal qui paraissait une relique d'une époque révolue, tombée dans l'oubli, en proie à la nature. Les centres commerciaux n'existaient plus en 2287; la plupart des boutiques n'étant pas locales, elles étaient devenues interdites et, de toute manière, les autres pays ne voulaient plus exporter nulle part, y compris la France elle-même.

Gaby se demandait parfois ce que cela faisait de vivre dans une époque où la mondialisation était une réalité, et non un concept abstrait. Tous ces magasins concentrés en un même lieu où s'entassaient des dizaines d'articles venus des quatre coins du globe, tels des souvenirs de contrées étrangères à portée de main.

Il était alors logique que le principe de se vêtir devenait nettement plus complexe qu'à son époque, où l'on portait les couleurs de sa zone, sur des vêtements renouvelés chaque année, voire moins si l'on y mettait le prix. S'habiller n'était plus un moyen de s'exprimer, mais de refléter un modèle de société binaire et rigoriste.

Le bâtiment dans lequel Martial, Elior et Gaby venaient de pénétrer était doté d'un plafond élevé, dû au fait qu'il était pourvu d'un second étage. L'effet de vertige s'intensifiait par le fait qu'au-dessus de leurs têtes était un grand vide: le sol du second étage était parcouru par un immense trou volontaire de forme rectangulaire, qui laissait tout de même quelques mètres à gauche et à droite pour permettre jadis aux clients de se déplacer et d'accéder aux diverses boutiques.

Ce vaste vide prenait fin à la jonction avec le double escalier électrique, qui se situait à une cinquantaine de mètres de l'entrée. De là où elle se trouvait, Gaby devinait aisément que le magasin ne comportait pas qu'une unique allée et que, si l'on se déplaçait jusqu'au bout de l'étage, le chemin bifurquait vers la droite ou la gauche.

En outre, des arbres dotés de ramures majestueuses, dispersés ici et là sur le carrelage, laissaient entrevoir sous leurs feuillages et leurs racines, des anciens bancs de bois entourant leurs troncs épais. Le lieu était relativement vide de toute vie humaine et flottait un sentiment de déchéance et de chaos avec ses magasins détériorés, gris, aux devantures vandalisées, contenant encore quelques rares et poussiéreux articles sur leurs sols.

Néanmoins, il s'y respirait un tout autre air: celui de la liberté, de la justice. Les arbres, les insectes, les animaux, la nature reprenaient leurs droits piétinés, tandis que logeaient à présent en ces lieux des individus luttant pour les droits bafoués d'une partie de leurs semblables, ainsi que pour le rétablissement d'un mode de vie rationnel et vivable.

Gaby était heureuse de se trouver enfin du bon côté du combat. Elle avait grandi avec l'éducation de ses parents qui répondaient aux attentes sans se poser de questions. Ils ne croyaient pas agir en opposition avec la morale puisque, la morale, celle qu'il fallait suivre, c'était celle de la société, celle qui s'imposait à un être aussitôt qu'il naissait et non plus celle qui émergeait naturellement en lui.

— La réunion se déroule dans combien de temps? s'enquit Elior auprès de Martial, ayant retiré son couvre-chef.

Depuis que leur conversation avait pris fin et qu'ils avaient quitté la bibliothèque, Gaby et Elior n'avaient plus discuté entre eux. Ils ne s'étaient pourtant pas disputés, tout au plus avaient-ils eu du mal à se comprendre l'un et l'autre et avaient-ils été déçus de ces retrouvailles désenchantées.

— Elle est sur le point de commencer, ils ne doivent plus attendre que nous à présent, déclara Martial.

Visiblement, M. Monier n'appréciait pas être en retard à une réunion. Il n'était pas agréable d'arriver le dernier car notre attitude était notée de manière péjorative. Gaby se fit pourtant la réflexion que l'homme n'aurait pas pu être en avance, du fait qu'il l'avait rejointe peu avant. Sa présence était simplement attendue afin de commencer, comme l'on patienterait pour un gouvernant ou un patron.

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