o3. GABY

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Bird set free, Sia.

SA TÊTE BASCULA EN ARRIÈRE tandis que Gabrielle tentait de se défendre du mieux qu'elle pouvait. Une jeune fille lui attrapait fermement ses cheveux et les tirait sans ménagement.

Autour d'elles, il y avait d'autres filles — peut-être une dizaine. Elles se trouvaient dans des vestiaires de sport et étaient en train de se préparer pour la séance lorsqu'une insulte avait fusé à l'encontre de Gabrielle.

— Hé ! Sale bouffonne ! Ça va, je te dérange pas ? J'espère que ça te plaît de mater au moins ?

Les joues de la lycéenne avaient viré au rouge vif alors que ses yeux fixaient ceux de son harceleuse. En effet, ce n'était pas la première fois que la jeune fille aux cheveux gris recevait de tels propos lancés à sa figure sans une once d'humanité.

Cette adolescente, Lolita, prenait un malin plaisir à la torturer simplement car Gabrielle avait un jour eut le malheur de poser les yeux sur sa poitrine.

La véritable version de cet incident consistait en une conversation entre Lolita et ses amies à propos de leurs tailles de bonnets et de leurs seins. Gabrielle n'avait pu s'empêcher de tendre l'oreille et, alors que Lolita se plaignait de son imposante poitrine, elle avait posé les yeux sur cette dernière pour constater ces faits énoncés. Elle n'était pas la seule à l'avoir fait; tout le vestiaire devait certainement avoir vu ses paroles et regardé à la dérobée.

Sa seule erreur fut d'avoir été prise sur le fait et de répondre au nom de Gabrielle Guilbert. Toute l'école savait que Lolita, la grande Lolita Laraiseau, en avait après elle. Personne ne connaissait la véritable raison de cette haine, pas même Gabrielle en réalité. Lolita cachait un secret qu'elle ne voulait pas révéler.

Elle se dissimulait donc derrière une carapace de brutalité et lui crachait sa colère au visage, tel un serpent noyant sa proie sous son venin.

Lors de cette nouvelle retrouvaille dans les vestiaires de sport, Gabrielle évitait à nouveau tout contact visuel avec Lolita. Bien que ne pas répliquer ne rentrait pas dans ses critères de personnalité, la jeune fille se devait de ne pas agir sans penser aux conséquences ; elle ne pouvait faire autrement. On lui avait inculqué le silence et la prudence même si elle prônait au fond d'elle l'esprit de justice et la prise de parole.

Or, ce jour marqua un changement inédit et un tournant inéluctable; Lolita en était venue aux agressions physiques pour la première fois. Gabrielle n'avait rien dit, elle n'avait pas protesté à chaque insulte homophobe qu'elle avait entendue à son propos. Elle avait contenu sa colère, l'avait nourrie d'ambitions nouvelles.

Le fait était que l'homosexualité, ainsi que toutes les orientations sexuelles autres que l'hétérosexualité, étaient interdites dans cette société. Être pris en flagrant délit de relation prohibée conduisait la personne à de graves sentences. Cependant, l'inscrire dans la loi, ne pouvait pas entraîner la suppression de l'homosexualité, car ce n'était pas un caractère accidentel chez un être humain, mais bien essentiel et naturel.

Malgré les menaces de sanctions, au-delà même de la peur de souffrir ou de mourir, demeurait la crainte de se perdre soi-même, d'être aliéné. Ainsi, Gaby, toujours confuse, avait été blessée par les insultes et les coups de Lolita, non par dégoût d'être reprochée une telle chose, mais parce qu'intimement, elle la savait être vrai et ne pouvait supporter d'être conspuée pour cela.

Lolita lui avait alors attrapé les cheveux et les avait tirés pour la faire réagir. Et la martyre avait réagi. Elle pouvait cautionner les mots simplets de la jeune fille, mais en venir aux mains la fit sortir de ses gonds pour de bon.

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