o5. ELIOR

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Monsters, Ruelle.

ELIOR ET THOMAS PROGRESSÈRENT doucement le long du tunnel, le garde novice sur leurs talons. Les tunnels étaient plus hauts que larges et leurs pas résonnaient, dû au fait qu'ils n'étaient que trois à les emprunter. Aucun d'eux ne parlait ; peut-être était-ce parce qu'ils n'avaient rien à dire, ou parce que ce qui les attendait occupait tout leur esprit.

Thomas, particulièrement, redoutait le moment où ils arriveraient dans la caverne. Il n'était pas apte à travailler, à cause de son bras entouré d'un bandage blanc. Des mouvements trop brusques le faisaient grimacer et l'usage de sa main droite était moins aisé — il était droitier par ailleurs. La couture autant que l'extraction du Caelisya seraient des tâches bien rudes pour son membre endommagé.

Lui qui ne s'était jamais fait remarquer jusqu'à maintenant, du moins pas personnellement. Il avait toujours été un peu impulsif et avait pu taquiner ses camarades par moments, cela seulement. Certes, la raison pour laquelle il était ici n'était pas des plus communes, mais c'était une haine justifiée uniquement dirigée envers son père.

Ici, dans ces bas lieux, une autre sorte de haine s'était formée. Elle était envers le gouvernement, et il n'était pas le seul dans ce cas. Qui ne le serait pas ? Il était presque certain que même les gardes auraient préféré opérer à la surface plutôt que dans les souterrains. Cette colère les unissait, mais la peur et l'égoïsme avaient tendance à renforcer les fossés entre eux.

On leur disait que personne ne remontait jamais une fois descendu, que l'on mourrait sous les pieds des français sans qu'ils ne le soupçonnent une seconde. Pendant qu'ils crevaient de fatigue ou d'une maladie contractée, des citoyens étaient peut-être en train de faire un tour de manège ou de s'envoyer en l'air quelques centaines de mètres au-dessus d'eux. C'était ahurissant.

De ce fait, bien que l'espoir fût nourri à différents grades selon le degré d'ancienneté, certains estimaient avoir plus de mérite que d'autres à être graciés pour pouvoir remonter à la surface. Ceux-là avaient presque exclusivement la peau blanche et les cheveux bleus. Ils jugeaient que, comme ils venaient du haut du panier dans leur ancienne vie, cela avait une quelconque valeur en bas.

Ce n'était pas le cas de Thomas. Son crime — ou plutôt son meurtre — était une action très grave, irréparable. Il était impossible qu'il puisse un jour revoir le soleil. Mais il avait décidé qu'il s'en accommoderait. Personne ne l'attendait là-haut de toute manière. Son père était mort, tout comme sa mère, décédée de ses coups reçus par son mari. Il préférait encore mourir broyé sous des pierres qu'en se languissant devant une pierre tombale.

Elior lui non plus n'était pas de ceux qui supposaient pouvoir un jour remonter à l'air libre. Tout d'abord, il avait les cheveux roux, ce qui signifiait qu'il n'avait aucune appartenance à une zone de la France, sans parler du fait qu'il n'avait pas été tatoué non plus. Ensuite, il était dans le viseur du garde en chef et ce n'était pas à son avantage.

Pour finir, il subissait également les répercussions de ses parents. Leur comportement avait violé une grande partie du Traité de 2242. Le gouvernement ne pouvait les laisser en vie, tout comme les parents de Hade et Achille — cela aurait été vu comme un signe de faiblesse. Ils avaient été tués et les dirigeants avaient menti aux enfants en leur révélant qu'ils avaient été transférés dans un quartier de travail sous l'Arcade. Mais Elior n'était pas dupe.

Durant des années, il s'était persuadé que c'était la vérité, qu'ils étaient encore en vie, quelque part. Mais à partir d'un moment, il avait dû voir la vérité en face et accepté le fait qu'ils étaient morts. C'était inutile de continuer à espérer.

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