o6. LAÏA

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We are, Doe.

FINALEMENT, LAÏA AVAIT DÉCIDÉ de se montrer à la fête d'Ephéor. Elle n'était pourtant pas très enjouée à l'idée de passer un temps indéterminé au milieu d'adolescents suintant d'hormones et de naïveté. Pourtant, elle n'avait pas eu d'autres choix car elle avait reçu un sermon; non pas de Phoebe mais de ses parents.

La jeune fille avait par inadvertance mentionné cette fête et ils avaient insisté pour qu'elle s'y rende, prétextant qu'elle devait se sociabiliser un peu plus, que ce n'était pas en fuyant le contact qu'on réussissait dans la vie.

Laïa aurait souhaité protester, argumenter, plaider sa cause, mais ses parents étaient intraitables; ils l'auraient traînée par la peau du cou s'il le fallait. La présence d'alcool et de drogue dans ce type de fêtes les effrayait moins que de la voir mener une vie en marge de la société.

Ce fut ainsi qu'elle se retrouva à déambuler à vingt-deux heures du soir vers un immeuble à un pâté de maisons — expression désuète car plus aucune maison ne subsistait dans cette ville — de chez elle. C'était Phoebe qui avait convenu cette heure pour se retrouver avec Estia. Laïa ne les portait pas avec ardeur dans son cœur, mais cela la réconfortait de ne pas se savoir à la merci de tous, comme jetée dans l'arène des fauves à cette fête.

Elle arriva bien vite devant l'immeuble où elle retrouva ses deux amies, patientant dans leurs robes légères. Pour sa part, Laïa avait opté pour une chemise bleu clair et un short en flanelle blanc. Lorsqu'elle rejoignit les deux filles, Phoebe s'avança d'un pas en claquant sa langue:

— Enfin, c'est pas trop tôt! J'ai cru qu'on allait devoir camper ici. Je n'ai pas envie qu'on croit que je fais le trottoir. Bon, allez, on monte. Ho!

La jeune fille au maquillage élaboré poussa presque ses deux compagnes à l'intérieur du bâtiment.

— Il me semble que la fête se passe au trente-deuxième étage, évoqua Estia.

— T'as intérêt à ce que ce soit bien ça. Je ne veux pas rater le moindre scoop de la soirée. Et je dois en plus m'assurer que Thelyo tombe dans mes bras et pas dans ceux d'une autre idiote.

— Tu ne le connais pas, toi? l'interpela Laïa, étonnée.

— Quoi? Moi si, mais lui ne me connaît pas encore, c'est tout simple.

— Je parlais de l'étage en fait.

— Oh. Il se trouve qu'on ne le dit pas d'ordinaire car tout le monde sait où habite Ephéor. Bon, il arrive cet ascenseur?

C'était un exploit que le bouton d'ascenseur n'était pas hors-service, à tel point Phoebe le violentait depuis plusieurs minutes.

— Quelqu'un avait dû monter tout en haut juste avant, alors il faut lui laisser le temps de redescendre un peu, informa une voix masculine.

Toutes trois firent volte-face et leurs yeux tombèrent sur un jeune homme âgé de certainement un ou deux ans de plus qu'elles. Ses cheveux bleus faisaient ressortir ses yeux presque noirs, qui tranchaient avec son teint d'une pâleur vertigineuse. Il avait un charisme à faire tourner les têtes.

— Je m'appelle Charles, enchanté de vous rencontrer, mesdames.

— Le plaisir est plus que partagé, roucoula Phoebe.

De toute évidence, ce Charles lui avait fait oublier son Roméo originel, qui ne la connaissait d'ailleurs ni d'Adam ni d'Ève. C'était peut-être mieux ainsi.

L'ascenseur arriva finalement et tous les quatre pénétrèrent à l'intérieur. Phoebe ne lâchait pas Charles d'une semelle. Si cela le dérangeait de quelque façon que ce soit, il n'en montrait rien. Néanmoins, sans qu'elle ne le remarque, il lançait des regards furtifs en direction de Laïa.

MythomaniaWhere stories live. Discover now