Mythomania

23. ACHILLE

Devil I Know, Allie X.

L'ADOLESCENT S'ÉVEILLA, LA TÊTE BOURDONNANTE, dans une pièce baignée d'une aura apaisante. Il avait perdu toute notion du temps et ne parvenait pas non plus à savoir où il se trouvait. Achille ne reconnaissait pas les lieux — avait-il été enlevé?

Le garçon jeta un œil aux alentours pour examiner la salle; il était assis sur un lit solide dans le coin d'une pièce qui ressemblait à une chambre, une table, des chaises et une armoire comblant le reste de la place vacante.

Achille leva les yeux et découvrit une source de lumière — la seule, car les fenêtres avaient cessé d'être sous terre — surmontée d'une sorte de collier de décoration. Il n'en avait jamais aperçu de telle auparavant. Ensuite, il baissa les yeux pour se voir lui-même. Une couette le recouvrait, lui apportant une sensation de chaleur et de sécurité. Il porta une main à son visage et sentit dans la seconde une sensibilité accrue au niveau de son nez. Le reste de sa figure ne semblait pas avoir été plus épargné.

Achille prit un temps de réflexion, afin de remettre ses pensées en ordre, pour retracer les événements. Tout paraissait confus, mais des bribes lui revinrent à travers la brume. Il se souvenait des douches, du groupe de travailleurs, d'une marche éprouvante, de l'infirmière, de la bouteille d'alcool, de l'arrivée d'un nouveau blessé. Achille ne parvint à se remémorer ces fragments dans le détail, mais c'était suffisant pour comprendre son arrivée dans ce lit.

Après un examen approfondi, il en conclut qu'il n'aurait pas quitté le centre de soins. Néanmoins, il ne savait toujours pas quelle heure il était et combien de temps il avait dormi. Avec un soupir, il songea qu'il n'aura sûrement pas pu profiter de son seul jour de repos de la semaine.

L'adolescent aux cheveux noirs eut pour dessein de sortir hors de la pièce pour trouver Hortense et lui demander depuis combien de temps durait sa convalescence. Il tira la couette loin de lui, extirpa ses jambes et les souleva hors du lit. Ses pieds, dénudés, épousèrent le sol froid et dur si soudainement qu'Achille en fut surpris. Ce dernier n'avait plus l'habitude de ressentir de si vives sensations par le biais de cette partie du corps.

Il chercha des yeux ses chaussures, ou même ses chaussettes, mais il ne les trouva pas. Achille dut se résigner à remplir cette quête à pieds nus. C'était par ailleurs là un autre mystère à résoudre. Soudain, son esprit marqua une connexion et il baissa les yeux sur ses vêtements. Il ne les reconnaissait pas; ceux-ci étaient propres et doux, si ce n'est parfumés. Cela apaisa Achille car il n'existait qu'une personne qui aurait pu être aussi soigneuse et attentionnée dans ces souterrains pathétiques: l'infirmière.

L'adolescent acheva sa progression jusqu'à la porte. Alors qu'il posait sa main sur la poignée, il espéra que ce n'était pas verrouillé. Heureusement, il n'était pas enfermé et la porte s'ouvrit sans un bruit. Achille pénétra alors dans une courte allée qui reliait deux autres portes. Il supposa que l'une devait mener à la chambre de Hortense et l'autre à l'infirmerie. Le garçon se trouvait perdu, ne sachant quoi faire.

Il ne pouvait décemment pas pénétrer dans l'une ou l'autre pièce sans la moindre permission. Cependant, alors que ses pensées volaient vers le centre de soins, il lui vint à l'esprit l'image du placard, ce fameux rangement qui avait bouleversé sa vie plus d'un an auparavant. Mais, à cet instant, il le savait, il était pris d'une envie de se désaltérer qui ne pourrait être étanchée que grâce au torrent doux-amer de l'alcool.

Achille n'avait pas pu en boire depuis un temps indéterminé, mais il sentait le manque le creuser. Plus il essayait de s'en débarrasser, plus il persistait et enserrait son emprise sur lui. Le garçon voulait résister, prendre le dessus et ne pas réitérer la même erreur qui l'avait métamorphosé en l'être dépravé et décevant qu'il était.