Lorsqu'elle Barbara reçu l'appel de sa nouvelle patiente elle fut si étonnée et presque soulagée que cette dernière la rappelle qu'elle s'arrangea pour lui caler un rendez-vous le jour même alors que son agenda était déjà complet. Il lui est arrivé plus d'une fois qu'un patient se braque à une question en particulier, où ne soit pas enclin à une thérapie, mais jamais personne n'avait fuit de la sorte avec cette terreur si marquée dans le regard.
Ainsi, à dix-neuf heure, lorsqu'elle est censé finir sa journée, Eve arrive.
Barbara craignait qu'elle vienne pas, ce qui l'aurait franchement contrariée car désormais elle se l'est promis: elle veut connaître et aider cette personne qui a de toute évidence tant besoin d'aide.
Eve est quant à elle, cette fois, décidée à ne pas s'enfuir à la moindre difficulté émotionnelle. Elle doit réagir si elle ne veut pas continuer de dépérir. Il faut qu'elle se libère. Il faut qu'elle parle à quelqu'un.
Les deux femmes s'installent comme la veille dans le salon à l'odeur de cuir et de livres, assistent l'une en face de l'autre.
-J'aimerai que nous reprenions ce que nous avions commencé hier, mais cette fois-ci pas par le début de votre vie, mais plutôt par le présent. Parlez moi un peu de votre vie actuelle de jeune femme de vingt-huit ans. Que faites vous dans la vie, quels sont vos passes-temps, êtes vous en couple, sortez vous avec vos amis...?
Eve se racle la gorge et essaye de n'oublier aucune question.
-Je ne travaille pas. En fait j'ai bossé dans une banque pendant quelques années mais j'ai toujours eu énormément de mal à tenir le rythme « normal ». Et aussi au niveau social avec mes collègues c'était... compliqué. J'ai donné ma démission il y a deux ans, lorsque j'ai senti que si je continuais j'allais réellement craquer. Enfin, en réalité c'est plutôt un ami qui m'a convaincu d'arrêter lorsqu'il a vu que je frisais le burn out. J'ai mis du temps à l'écouter, mais il avait raison.
-Avez vous une autre source de revenu?
-J'ai touché un héritage il y a trois ans. Je n'y ai pas touché pendant toute une année alors que j'aurais largement pu arrêter de travailler à ce moment là, mais je... je ne voulais pas de cet argent en fait.
-Et votre ami vous a convaincu de l'utiliser pour vous c'est ça?...
Eve hoche la tête puis, souhaitant changer de sujet, passe à la deuxième question que Barbara lui a posé:
-Je n'ai pas vraiment de passe-temps. C'est lamentable ce que je vais dire mais je n'arrive à me concentrer sur rien, je ne suis douée en rien, je... ne n'aime rien...
-Tout le monde est doué pour quelque chose Eve. Et je suis sure qu'il y a forcément quelque chose que vous aimez faire. Ou du moins que vous appréciez un peu plus que tout le reste...
Eve hésite. Oui il y a bien quelque chose. Mais est-ce correct d'en parler, même à sa psy?
Voyant que Barbara insiste du regard elle finit par lâcher d'une petite voix quasiment inaudible:
-Je... je fais beaucoup l'amour.
La psychologue ne s'attendait sûrement pas à cette réponse mais reste neutre et professionnelle. Après tout c'est loin d'être la première fois que le sujet du sexe est mis sur la table avec l'un de ses patients.
Eve en revanche est extrêmement gênée:
-Je suis désolée... C'est... inapproprié de vous parler de ça j'imagine.
-Non, en fait rien n'est inapproprié à partir du moment où ça fait partie de votre vie et de vous.
-Mais ça ne vous... gêne pas?
-Je ne suis pas sexologue ni thérapeute pour couple, mais durant mes études j'ai pu acquérir quelques notions de sexologie et si ça peut vous rassurer: non, je ne suis pas gênée, ne vous inquiétez pas. Je ne suis pas votre amie Eve. Le principe même d'une thérapie est de garder une distance entre nous. C'est mon métier de vous écouter et de vous comprendre. Quelle genre de psychologue serai-je si je commençais à être gênée par ce que vous pourriez me dire? Toutes les vies ont des secrets. Tout le monde a honte de quelque chose. Mais nous allons tacher ensemble de lever le voile sur ces secrets et de laisser dehors les hontes pour que vous puissiez vous ouvrir réellement et c'est ainsi que le travail sur vous même pourra se faire. Comme ça que vous pourrez comprendre et guérir...
