13] Temps (Partie 2)

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Eve sait que le moment est venu. Qu'il est temps. Que maintenant elle doit raconter son histoire, raconter ce qui l'a menée jusqu'ici, ce qui a fait qu'elle est devenue ce qu'elle est.
Elle se frotte les mains, mâchouille une mèche de ses cheveux et tape frénétiquement du talon. Elle retrouve instantanément ses tics qui apparaissent à chaque fois qu'elle est fasse à une difficulté ou qu'une émotion forte l'envahit.

Barbara lui laisse prendre son temps, ne voulant surtout pas la brusquer en cet instant alors qu'elle est enfin prête à se livrer, sachant qu'elle pourrait se refermer presque aussitôt.

La jeune femme lève finalement ses yeux et les plonge dans ceux de sa psychologue gravement avant d'entrouvrir les lèvres pour enfin laisser sortir les mots qui la hantent:

-Comme vous le savez donc, à ma majorité je suis venue à Paris, fuyant d'une certaine manière mon... passé.

Elle se racle la gorge, nerveuse, se reprend, poursuit:

-Je n'avais alors jamais quitté mon village, qui se trouve perdu au milieu de la campagne Auvergnate, loin de tout, inconnu de tous. A peine deux-cents habitants seulement parmi lesquels j'ai grandi. Tout le monde se connait, et personne ne cherche à aller voir ailleurs. Nous nous autosuffisions. Ce qui nous rassemblait par dessus tout était la religion, et celui qui nous guidait était le prête Théophile. Il leur apparaissait comme un homme porté par l'amour de Dieu, et pour moi la première évidemment. Je me serai sans doute jeté dans les flammes si on m'avait dit de le faire pour le salut de mon âme...

Cette simple idée fait frémir Eve, car en effet, que n'aurait-elle pas faire pour les croyances qu'on lui avait insufflé?...

-Aujourd'hui, je sais que cet homme n'était rien d'autre qu'un gourou. Il savait parler aux gens, leur retourner l'esprit. Il n'était avide que de pouvoir, et personne ne remettait sa parole en doute. Ce qui a joué encore plus c'est que mon père qui était l'un des hommes les plus respectés du village, et qui en était le maire, était l'un des plus fidèles croyants de la paroisse. C'est en partie lui qui a permis l'adoption par chacun des règles du père Théophile.
-Quelles étaient ses règles?
-Comme je vous le disais, par exemple tout autre livre que la Bible était proscrits, car mauvais pour l'âme. Prier plusieurs fois chaque jour. Se confesser au père chaque semaine. Ne pas blasphémer évidemment. Ne pas pêcher. Il y avait tant de règles, je ne pourrais toutes les citer... Mais ce qui était sans doute le plus interdit et le plus tabou était tout ce qui abordait de près ou de loin le sexe...
-Que saviez vous du sexe vous en tant que petite fille puis en tant qu'adolescente?
-Comme chaque enfant j'imagine je me suis posée cette question: « comment on fait les bébés ». Et j'ai interrogé ma mère sur la question. Je devais avoir quatre ou cinq ans, mais je m'en souviens comme si c'était hier.
-Que vous a t'elle répondue?
-Elle m'a giflée et m'a dit de demander pardon au seigneur pour mon blasphème. Pendant des années j'ai été persuadé que ça devait être atroce la façon dont était faite les bébés pour avoir engendré une telle réaction. Mais je voulais savoir évidemment, la curiosité est plus forte que tout. Alors vers six ans j'en ai discuté avec d'autres enfants du village. Chacun avait sa théorie. Mais tous étaient à peu près d'accord pour dire que c'était une histoire de graine qui poussait dans le ventre de la maman jusqu'à donner un bébé... Beaucoup disaient qu'il fallait énormément d'amour, et que lorsque le papa et la maman s'aimait assez fort ça donnait un bébé. Mais j'ai immédiatement su que c'était faux.
-Pourquoi?
-Parce que mes parents ce sont toujours détestés, et pourtant j'étais là...

EveOnde histórias criam vida. Descubra agora