-Et vous vous êtes donc quitté là-dessus?
-Oui...
Barbara remarque la petite moue que fait sa patiente. Elle finit par lâcher un petit soupire avant de dire:
-Ecoutez Eve...
Cette dernière la coupe en relevant ses yeux qui étaient perdus dans le vague vers elle:
-Aucune phrase commençant par ces mots ne peut être de bonne augure.
La psychologue ne relève pas et poursuit:
-Eve, vous êtes venue la première fois dans mon cabinet il y a un mois et nous passons chaque séance à parler d'Hatem...
-Et si j'ai envie de parler de lui. Je vous paye assez cher pour avoir le droit de décider de la conversation à ce que je sache.
-Ce n'est absolument pas ce que j'ai voulu dire.
-Alors qu'avez vous voulu dire Madame David?
Elle siffle ironiquement son nom de famille comme pour signifier une barrière entre elles. Barbara comprend qu'elle s'est clairement fait mal comprendre.
-Ce que j'ai voulu dire c'est que vous êtes venu ici à cause de... cette chose qui vous tourmente encore et encore. Vous le dites vous même: vous n'arrivez pas à vivre. Lorsque vous dormez les cauchemars vous réveillent et lorsque vous êtes éveillée ces mêmes cauchemars ne partent plus. Et regardez, vous appréciez cet homme, Hatem, c'est évident, et pourtant votre passé a même un impact sur votre relation avec lui et sur toutes vos relations en général. Je sais que parler vous fait du bien, mais tant que vous n'aurez pas accepté de partager et en attaquer ce mal à la racine rien ne changera, vous ne pourrez pas aller mieux. Si vous n'arrivez pas à le dire à moi alors dites le à lui, vous en aviez l'occasion ce soir là. Et il vous aurait aussi partagé ses propres traumatismes. Pourquoi ne l'avez vous pas fait?
Eve réfléchit quelques instants à tout ce que vient de dire Barbara avant de répondre à sa question:
-Parce que même si en effet je l'apprécie, cela ne fait pas de lui quelqu'un de bien placé pour entendre mon histoire.
-Qu'entendez-vous par quelqu'un de bien placé?
-Vous vous êtes bien placée.
-Parce que c'est mon métier?
-Non. Parce que je vous fais confiance.
Barbara est heureuse de constater que tout ce travail n'a pas été vain et qu'elle a la confiance de sa patiente. Elle se dit qu'il faut utiliser cette confession d'Eve pour que cette dernière s'ouvre encore davantage:
-Alors pourquoi ne me racontez vous pas?
Les deux femmes en reviennent éternellement au même point. La raison pour laquelle Eve est venue ici la première fois. Cette chose qui hante ses jours et ses nuits. Cette chose qui ne partira jamais complètement malgré tout ce qu'elle pourra faire.
Mais elle peut essayer de se reconstruire malgré tout. Elle peut non, elle doit!
Et si elle ne se livre pas maintenant, avec cette femme, alors quand et avec qui le fera-t-elle?
C'est le moment qu'elle redoutait temps mais qu'elle attendait également...
Elle finit par murmure doucement, en réalité plus pour elle que pour Barbara:
-Oui... il est temps.
