En sortant de la petite partie habitable, Eve doit repasser par l'église pour sortir et croise sur son chemin le père Pierre.
-Oh vous avez déjà terminé?
-Oui, je lui ai dit tout ce que je voulais. Et je sais qu'il est entre de bonnes mains et que vous prendrez soin de lui autant qu'il est possible...
Le jeune prêtre sourit et fait un léger signe de tête d'au revoir:
-N'hésitez pas à repasser, la visite lui fait toujours plaisir!
Pour toute réponse Eve sourit en retour puis sort de l'église, se sentant simplement libérée, plus légère que jamais.
Voilà. C'est fait.
Son passé est désormais derrière elle.
Du moins... c'est la pensée qui lui traverse l'esprit juste avant qu'elle ne voit sur le trottoir d'en face un visage familier qu'elle reconnaît immédiatement. Il s'agit d'un homme, avec en sa compagnie une femme et trois enfants. Ils parlent, les enfants sont agités et tournent autour d'eux. Eve les fixe de l'autre côté de la rue et elle voit la femme entrer dans un petit magasin avec les enfants. L'homme attend seul dehors avec des sacs dans les mains.
Et alors, sans même vraiment réaliser ce qu'elle fait elle même, Eve traverse et s'arrête à sa hauteur, tout proche de lui.
-Bonjour.
L'homme dresse un sourcil et répond avec étonnement:
-...bonjour.
-Tu ne me reconnais pas?
Cette fois ces sourcils masculins se froncent tandis qu'il essaye de comprendre ou de reconnaître la personne en face de lui. Il la détaille quelques instants, laissant ses yeux allés de son visage à son ventre rond et finit par répondre:
-Euh... non désolé, je devrais?
Et alors Eve retire son chapeau et aussitôt ses longs cheveux roux viennent tomber follement sur ses épaules, enfin libérés de leur entrave. Le visage de l'homme change aussitôt de couleur et devient d'une pâleur cadavérique tandis que ses lèvres s'entrouvrent pour lâcher dans un souffle:
-...Eve...
-Tu vois. La mémoire te revient.
-Mais qu'est-ce que... tu fais là?...
-Une visite au village de mon enfance et à ses très chers petits habitants. Une femme et trois enfants, te voilà comblé. J'avoue que je ne m'y serai pas attendu, je n'aurai pas pensé que c'était l'avenir que tu souhaitais. Il y a quinze ans je me voyais ainsi également... avec toi.
L'homme soupire tristement:
-Écoute Eve je suis désolé pour ce que je t'ai fait. Mais c'était il y a tellement longtemps, on était des gosses...
-« Désolé »... ça parait tellement simple maintenant. Un simple mot, pour efface tant de choses. Mais d'ailleurs pour quoi es tu désolé au juste?
Il est gêné et mal à l'aise. Il finit par dire dans un nouveau soupire:
-Tu sais très bien pourquoi. C'est à cause de moi que tes parents t'ont envoyés dans pensionnat pour fille n'est ce pas? A cause de ce qui s'est passé entre nous.
-«Ce qui s'est passé entre nous », tu veux dire ce moment dans la grange quand tu as essayé de me violer? Ou alors peut être parles tu de la façon que tu as eu de m'accuser de t'avoir chauffé et supplié de faire ça? Ou bien encore cette manière dont tu as si bien laissé toute la faute et les conséquences reposer sur moi... « Un pensionnat pour filles », c'est tellement touchant. L'as tu vraiment cru ou t'es tu voilé la face comme tous les autres? Je n'ai jamais été en pensionnat...
-Mais... alors où étais tu pendant deux ans?
Et soudain sortent de la boutique la femme et les enfants. Aussitôt il attrape vivement mais discrètement la main d'Eve pour lui chuchoter:
-Je t'en supplie ne leur dit pas. C'est déjà assez dur comme ça avec ma femme, si tu en parles tu briserais ma famille...
