7] Ancêtre

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Les paroles de la psychologue pouvait paraître sans doute évidente, mais elles eu un effet immédiat sur Eve qui se senti aussitôt bien plus à l'aise et en confiance. Qu'elle se fasse juger était ce qu'elle craignait le plus, la voilà désormais rassurée.
Barbara David la faut poursuivre sur sa lancée:

-Vous dites donc que vous faits beaucoup l'amour. Qu'entendez-vous par là? Parce qu'après tout, qu'est ce que la normalité?...

Eve ne sait pas vraiment comment formuler ses pensées pour la simple raison qu'elle n'avait jusqu'ici jamais eu à le faire.

-En fait au delà d'avoir une fréquence de rapport sexuels assez intense c'est surtout que je n'arrive pas à me contenter d'une seule personne. Et... de toute façon je n'entretiens jamais de relation de couple.
-Pourquoi cela?
-Ce n'est pas fait pour moi.

Barbara prend comme d'habitude quelques notes dans son calepin avant de reporter son attention sur sa patiente.

-Votre vie sexuelle a débuté lorsque vous aviez quel age?

Une ombre passe sur le visage d'Eve. Elle finit par lâcher entre ses dents:

-Jeune.
-Pouvez vous preci...

Elle ne lui laisse pas finir sa phrase et se lève brusquement du sofa où elle est assise. Pendant une fraction de seconde la psychologue pense qu'elle va de nouveau s'enfuir au courant mais il s'avère que la jeune femme se contente de s'approcher d'un des pans de la bibliothèque qui tapisse les quatre murs de la pièce. Elle se met à observer le dos des livres posés les uns à côté des autres. Ils sont anciens pour la plupart, usés mais splendides et lus plus d'une fois.

-Vous aimez lire, vous en avez besoin pour vivre...
-Oui, sans doute.
-Ce n'était pas une question.
-Pas vous?

Eve ne demande pas l'autorisation et sort un livre qui a attiré son attention de la bibliothèque pour le prendre entre ses mains et le feuilleter tout en tournant face à Barbara.

-Jusqu'à ce que je m'émancipe et que je parte sur Paris, je n'avais eu qu'un seul livre entre les mains.
-La Bible?...

Elle relève ses yeux vers la femme toujours assise, le regard emplie de trop profondes émotions pour que cette dernière ne puisse toutes les interpréter.

-Oui...
-Et quel a été le premier livre que vous avez lu une fois libre d'avoir le choix sur vos lectures?

Un sourire amusé apparaît sur le visage d'Eve. Elle pousse un petit rire ironique en répondant:

-Un livre de recettes de cuisine... La couverture m'avait hypnotisée.
-Et qu'en est il ressortit?
-Je fais d'excellentes quiches aux épinards.

Cette fois c'est Barbara qui esquisse un sourire.
Eve revient au livre semblable à une encyclopédie qu'elle tient entre les mains et finit par le refermer avant de lire à haute voix le titre:

-« La France du XVIIème siècle »
-L'Histoire de France vous intéresse?
-En matière d'Histoire c'est la même chose qu'en littérature. Les Saintes Écritures étaient la seule chose qu'il me fallait pour acquérir le privilège du Paradis.
-Vous n'étiez pas scolarisée?
-Non. Mon enseignement a été effectué par une préceptrices particulière. De mes cinq ans à mes quinze ans.
-Et pourquoi votre attention s'est elle portée sur ce livre?

Eve range le livre en question là où elle l'a trouvé avant de revenir s'assoir.

-Parce qu'on m'a toujours parlé d'une de mes ancêtres qui vivait justement à cette époque. Naïade De-La-Marquise.
-On vous la présentait comme un exemple?

Un petit ricanement sort du fond de sa gorge. Elle répond sur un ton ironique.

-Oh oui. « Un exemple ». Un exemple a ne pas suivre.
-Qu'avait-elle fait?
-C'était une pécheresse.
-J'avoue ne pas avoir eu d'éducation religieuse, mais de ce que je sais, ce qui est dit, c'est que nous sommes tous des pêcheurs non?
-Les femmes plus que les autres.
-« Eve ».
-Oui « Eve ». Celle qui a causé l'expulsion de l'Homme du Jardin d'Éden.
-Mais pourquoi vous parlait-on de cette ancêtre en particulier?
-Son histoire est trouble. Personne ne sait vraiment le vrai du faux, la légende de la vérité. Mais elle a été une honte pour son pays, pour sa famille et pour Dieu. Elle était rousse, comme je le suis, elle avait des cheveux de feu... Et elle brûle en Enfer désormais.
-Ca c'est ce qu'on vous a dit. Mais vous êtes athée, vous l'avez dit vous même. Alors que pensez vous?

C'est la première fois qu'on lui pose cette question. La première fois qu'Eve peut se permettre de penser autrement. Elle met un instant à répondre.

-Je pense que c'était une femme libre. Une femme qui a choisi son destin, quitte à décevoir sa famille, quitte à être renier par sa patrie. Et pour ça, je l'admire profondément. Et s'il existe quelque chose après la mort, alors je suis certaine qu'elle déjeune désormais à la table des anges, aux côtés d'Eve elle même...
-Vous parlez de votre ancêtre. Mais on pourrait penser que vous faites votre propre portrait.
-Je ne suis pas elle.
-Non, mais dites moi quelque chose qui diffère de votre histoire. Vous aussi vous être une femme libre. Vous aussi vous avez choisi votre destin. Sinon vous ne seriez pas ici en train de me parler.

Eve serait donc une femme libre.
Ces deux mots associés, surtout la désignant, elle quelque chose qu'elle n'aurait jamais ne serait ce qu'imaginer.
Et soudain, alors qu'elle se croyait perdue à jamais, elle réalise que tout est possible, que son destin est entre ses mains, et qu'elle est en train de choisir.

Oui.
Eve est une femme libre.

EveWhere stories live. Discover now