10] Sursauts

4.4K 617 28
                                    



La douce lumière du soleil couchant traverse les vitraux et vient déposer sur le sol leurs multiples couleurs, donnant l'impression à Ève de marcher sur un arc-en-ciel céleste.
L'odeur si reconnaissable de la petite église entre dans ses narines et le frais de la pierre lui donne quelques frissons.
Pas un bruit ne vient troubler le calme et la sérénité de cet instant si paisible et alors, la jeune femme se sent en paix avec elle même et avec le monde.

Mais soudain, un bruit de pas dans son dos arrache toute la quiétude de ce moment.
Eve reconnaît aussitôt ce son, mais ne parvient pas à se retourner, tétanisée par la peur.
Elle ferme les yeux, incapable de bouger et sent une larme glisser le long de sa joue. Les pas de rapprochent doucement d'elle et finissent par s'arrêter, juste dans son dos. Elle sent cette respiration chaude sur sa nuque. Une sueur froide lui saisit la colonne vertébrale.

Et alors, une main vient se poser sur son épaule en même temps que cette voix qu'elle connaît par cœur vient murmurer à son oreille:

-Tu m'avais manqué, Eve...

Eve se réveille en sursaut, la respiration haletante et le front trempé de sueur. Ses yeux cherchent avec panique des repaires dans la pièce, voulant comprendre où elle se trouve, et c'est finalement avec soulagement qu'elle réalise qu'elle est simplement sur son canapé, chez elle, en sécurité.
Il fait jour. La télévision est allumée. Elle comprend qu'elle a du s'assoupir sans même s'en rendre compte. Elle prend la télécommande d'une main fébrile et éteint le poste.

La jeune femme reste ainsi, assise, à fixer l'écran noir, la bouche entrouverte et le corps comme paralysé pendant de longues minutes. Des larmes silencieuses coulent sur ses joues et viennent humidifier ses lèvres, déposant un goût de sel dans sur ses papilles.

Ces cauchemars elle les connaît par coeur, mais elle ne réussira jamais à s'y habituer.

Soudain, quelqu'un frappe à sa porte, la faisant tressaillir et relançant à plein régime les battements de son cœur qui avait pourtant commencé à ce calmer.
Elle finit par se lever et va jusqu'à la porte. Elle se met sur la pointe des pieds pour regarder à travers le judas optique et voit qu'il s'agit d'Hatem. Elle pose son front contre le bois de la porte en lâchant un long soupire, se trouvant complètement idiote d'avoir imaginer quoique ce soit d'autres, puis ouvre.

-Salut voisine.

L'homme est habillé d'un pantalon noir et d'une chemise blanche simple aux deux premiers boutons ouverts et aux manches remontées.
Elle sourit et s'appuie contre l'embrasure:

-Salut voisin. Que me vaut ce plaisir?

Le jeune homme pousse un petit rire en regardant ailleurs avant de revenir à elle:

-Tu as oublié n'est ce pas?...

Aussitôt, Eve comprend de quoi il parle. Elle se redresse et rougit, honteuse:

-Oh putain... oui complètement.

Elle avait invité Hatem à venir dîner chez elle ce soir. La jeune femme a envie de se gifler, mais il la rassure avec un haussement d'épaule:

-C'est n'est pas grave. Vraiment. On se reporte ça une autre fois.
-Non non entre! Je... je vais préparer quelque chose.
-Tu es sure?
-Oui oui je t'assure.

Et elle se pousse pour le laisser venir avant de refermer derrière lui.

-Je suis vraiment bête, je ne sais même pas comment j'ai fait pour oublier. Pardonne-moi.

Hatem lève les yeux au ciel dans un éclat de rire.

-La première fois que nous nous sommes rencontrés tu as essayé de me tuer dans les escaliers et je ne t'en ai même pas voulu une seconde. Alors crois moi je vais me remettre de ça.

Tout en allant dans la cuisine, Eve lui dit de s'installer comme chez lui, mais au lieu de l'écouter il la suit.

-On mange à deux, on va préparer à deux.
-Mais je t'ai invitée! Non je ne peux pas te laisser faire ça!
-Bien sur que si. Et puis c'est plus amusant de cuisiner ensemble plutôt que de m'ennuyer seul sur ton canapé. Bon je dois faire quoi chef?

La jeune femme n'en revient pas.
Les hommes qu'elle a connu dans sa jeunesse n'avait pas pour rôle de faire à manger. Et ceux qu'elle a connu plus tard n'étaient pas particulièrement du style à se précipiter pour participer à quoi que ce soit du genre.

Elle finit alors retrouver l'usage de la parole:

-Tu... peux éplucher les carottes...

Et sans se faire prier davantage il se lave les mains et s'exécute avec un large sourire toujours plaqué sur le visage, devant les yeux hébétés d'Eve.

EveOù les histoires vivent. Découvrez maintenant