23] Drogue

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-Comment s'est déroulé votre retour dans le... monde réel? Dans la société je veux dire. Reprendre votre vie comme avant a sans doute était difficile, voir impossible...
-C'était impossible en effet. Que ce soit vis à vis de mes parents, ou même par rapport au reste du village. Tous me demandaient comment c'étaient passé ces deux années dans mon soit-disant pensionnat catholique pour filles, me faisant remarqué comme j'avais grandi. Ils se gardaient bien de dire que j'avais maigri et pali bien sûr...
-Et que répondiez vous?
-Que j'étais heureuse d'être revenue.
-Si je ne me trompe pas vous m'avez dit que vous vous étiez exilée à Paris à votre majorité, alors comment ce sont passées ces deux années jusqu'à votre fuite?
-Je crois que j'ai... littéralement pété un cable.
-Comment ça.

Eve n'arrive pas à regarder Barbara dans les yeux. Parce qu'elle est honteuse et parce qu'elle ne veut pas voir les émotions qui peuvent passer sur le visage de sa psychologue.

-Quand j'étais attachée sur cette table pendant ces deux années je ne pouvais rien faire, ni bouger ni quoi que ce soit d'autre. Sauf une seule et unique chose... Je réussissais toujours à avoir assez de mou sur mes liens pour glisser ma main sur mon entre jambe et... Vous savez je ne connaissais même pas le mot « masturbation » avant de venir sur Paris, et je ne savais pas ce que c'était. Alors je n'avais même pas conscience que c'était ça que je faisais à ce moment là. La seule chose que je comprenais c'est que ça me faisait du bien, que ça me faisait oublier et que ça me détendait.
-Oui, de nombreuses études ont prouvé que ça permettait de lutter contre le stress, de favoriser le sommeil et elle agit aussi comme anti-douleur... C'était votre dose de morphine en quelques sorte. Le seul moyen que vous aviez trouvé pour aller mieux, pour continuer de tenir.

Eve est surprise que Barbara comprenne aussi bien ce qu'elle est en train de lui expliquer et qu'elle l'aide même à poser des mots dessus. Cela l'encourage à poursuivre, redressant un peu le menton.

-Quand on m'a libérée, bien sûr je n'étais physiquement plus dans cette cave mais mon esprit lui y était toujours. Je faisais des crises d'angoisses atroces qui pouvaient arriver à tout moment sans prévenir, j'hyper-ventilais, je me sentais claustrophobe presque constamment... Tout était source pour moi de début de crise de panique. Et lorsque ça arrivait je reproduisais ce que je faisais alors durant ma séquestration et je me touchais. Mais rapidement cela n'a plus suffit, ça devenait inefficace. Et j'ai compris qu'il me fallait plus pour oublier et pour réussir à me soulager.

La psychologue note dans son carnet, comprenant parfaitement où elle veut en venir et relève les yeux vers sa patiente pour compléter:

-Vos parents et cet illuminé vous ont volé deux ans de votre vie parce qu'on vous avait trouvé sois-disant en train de corrompre un garçon, mais en réalité cela n'a fait que vous pousser davantage dans les bras de la luxure, je me trompe.

Eve ferme les yeux et prend sa tête dans sa main avant de hocher doucement la tête pour lui faire comprendre qu'elle a totalement raison.

-Oui... c'est ça. J'aurai sans doute dû avoir peur d'être surprise et renfermer dans cette cave, mais je crois que mon cerveau n'avait même plus vraiment conscience du danger. J'avais besoin de cette drogue pour supporter de vivre, peu importe ce que cela m'aurait coûter. Me perdre dans les bras des hommes était la seule chose qui me calmait et m'apaisait. Et... ça continue encore aujourd'hui...

EveOù les histoires vivent. Découvrez maintenant