34] Écoute

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Eve, simplement couverte d'un drap, et Hatem, complètement nu, sont debout dans le salon, face à face et silencieux.

Il veut qu'elle lui parle et au fond elle aussi en a envie. Parce qu'elle sait qu'elle peut lui faire confiance et elle a simplement envie de se libérer de ce poids encore un peu plus.
Il a raison: il n'est pas psychologue. Mais au fond peu importe. Elle ne veut pas de conseils ou de professionnalisme, elle veut simplement être écouter par lui...

Mais si elle a donné tous les détails à Barbara, lui n'a pas besoin de tout savoir, simplement le principal, suffisamment pour qu'il comprenne.
Alors, sans passer par quatre chemins elle brise le silence et articule d'une voix calme:

-J'ai vécu toute mon enfance et mon adolescence dans une communauté sectaire où j'ai été maltraitée et séquestrée. J'ai du attendre ma majorité pour réussir à m'émanciper de tout ce que je connaissais. Et aujourd'hui je suis là. Avec mes troubles et mes cauchemars, mais libre. J'ai eu de la chance au fond...

Un voile vient assombrir le visage d'Hatem.

-Tu n'as pas besoin de minimiser.
-Je ne minimise pas. C'est la vérité quand je te dis qu'après tout j'ai été l'une des chanceuses.

L'homme baisse les yeux et passe sa langue sur la commissure de ses lèvres, plongé dans ses pensées. Eve est quelque peu mal à l'aise.

-Excuse moi de t'avoir dit ça. Je sais que c'est un peu bizarre dit comme ça... Mais je te rassure, je ne suis pas folle pour autant. En tout cas c'est ce que dis ma psy.

Hatem relève les yeux et ils échangent un petit sourire amusé, mais lui retrouve presque aussitôt la dureté de ses traits.

-J'imagine que c'est une question d'équilibre et d'équité que je doive maintenant te dire mes fantômes à moi...
-Tu n'es pas obligé Hatem. Pas si tu n'en as pas envie. Moi je t'ai parlé parce que je voulais que tu le saches et que j'étais prête, pas pour que tu te sentes obligé de me parler à ton tour...
-Si. Si je veux que tu saches aussi. Et puis ce n'est pas un secret de toute façon. Quelques personnes sont déjà au courant...
-Dans ce cas moi je suis prête à t'entendre.
-Très bien... mais avant ça, laisse moi juste enfiler un boxer, dit-il d'un ton amusé.

Eve pousse un petit rire et le laisse s'habiller d'un boxer et d'un t-shirt tandis qu'elle fait pareil, puis ensembles s'assoient sur le canapé.

-Tu te rappelles quand je t'ai dit que ma mère était morte et que j'avais coupé les ponts avec mon père avant de retourner en Algérie à ma majorité?

La jeune femme hoche la tête.

-Et bien en fait, ma mère était victime de violences conjugales de la part de mon père. Ça a duré des années. D'aussi loin que je m'en souvienne en fait. Il avait une emprise sur elle. C'est pour ça qu'on est parti d'Algerie peu après ma naissance: il voulait l'éloigner de sa famille et de ses amis... Moi j'assistais aux coup, aux cris, aux larmes, sans jamais pouvoir rien faire. Jusqu'au jour où j'ai été assez grand. Et surtout assez courageux... Je me suis interposé. Alors cette fois c'est moi qui ait pris une branlée, et ça ma mère ne l'a pas accepté. Ça a été son déclic: elle a décidé de le quitter. Nous devions nous retrouver moi et ma mère dans un motel avant de partir loin pour que jamais il nous retrouve, car on savait que la justice ne ferait rien. Après les cours au lycée je devais directement me rendre là-bas et l'attendre alors qu'elle devait arriver avec nos affaires. Mais évidemment... elle n'est jamais venu. J'ai fini par retourner à la maison, même si j'avais peur de ce que j'allais voir, même si au fond je savais ce que j'allais y découvrir... Mon père avait tué ma mère. Parce qu'il n'a pas supporté qu'elle puisse le quitter. Il la frappée à mort. Elle est décédée d'un traumas crâniens. C'est moi qui ait appelé le SAMU et la police. Mais il était trop tard, il n'y avait plus rien à faire. Mon père n'a pas plaidé son innocence ni mêlé ne s'est débattu. Il s'est gentiment laissé emmener. Un procès a eu lieu et il a été condamné à cinq ans de prison... seulement cinq ans pour avoir tué ma mère. Il en est sorti au bout de trois pour bonne conduite.

Hatem ne peut s'empêcher d'éclater de rire tellement la blague est énorme.

-Bref, j'avais dix-sept ans, bientôt dix-huit. Alors j'ai attendu les quelques mois qu'il me manquait pour être majeur en foyer et dès que j'ai été libre je suis retourné en Algérie dans la famille de ma mère. Je ne suis revenu en France que récemment. Et j'ai appris que mon père s'était remarié... Voilà. Tu sais tout.





 Tu sais tout

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EveWhere stories live. Discover now