-Lorsque son père nous a surpris j'étais en larmes. Le garçon a paniqué. Alors avant que je ne puisse dire ou faire quoi que ce soit il s'est jeter vers son père et m'a accusée.
-Accusée?!
-Il a dit que c'était moi. Que c'était ma faute. Que lui ne voulait pas mais que mes avances étaient tellement insistantes qu'il n'a pas réussi à résister à la tentation.
-Comment a-t-il pu être pris au sérieux? Vous étiez encore presque une enfant. Et en pleures...
Eve triture ses ongles. Elle ne réussit pas à regarder Barbara dans les yeux. Elle préfère fixer ses mains et les frotter l'une contre l'autre sans relâche, essayant de calmer son angoisse qui monte.
-J'imagine que son père ne pouvait se résoudre à voir la perversion de son fils. C'était forcément moi la coupable à ses yeux. Alors il m'a attrapée par le col de mon chemisier, m'a forcée à me lever du foin et m'a traînée jusqu'à la maison de mes parents. Je me souviendrai toute ma vie de la marche que nous avons effectuée. Il était grand et fort, je touchais à peine le sol et devais courir pour réussir à suivre la cadence. J'avais cessé de pleuré mais mon visage était trempé, gonflé et rouge. J'étais décoiffée, mes vêtements étaient débraillés. Nos maisons n'étaient pas très loin, mais suffisamment pour que les gens me voient. Ils nous fixaient tous tandis que je me faisais traîner comme une condamnée. Son fils marchait derrière nous, la tête baissé, honteux mais préférant mentir que d'affronter ses actes...
Eve hausse les épaules:
-Mais après tout... comment lui reprocher? Pourquoi ce serait-il dénoncé? Il a été simplement plus réactif que moi...
-Rien n'excuse son comportement vous le savez?!
-Oui je sais. Mais je ne peux m'empêcher de croire que si nous avions été entourés d'adultes bienveillants il n'aurait peut être pas été sexuellement frustré et aurait pu se trouver une petite amie avec qui il aurait sainement découvert sa sexualité...
-Peut être oui. Mais vous ne pouvez être sûre de rien. Il vous aurait quand même peut être agressée malgré ça.
-Nous ne le saurons jamais. Bref, peu importe...
Eve balaye cette discussion d'un mouvement de la main pour reprendre son récit.
-Quand nous sommes arrivés chez mes parents leurs visages ce sont décomposés. Et presque aussitôt, l'incompréhension a laissé place à la colère. Ils avaient déjà décidé que j'étais coupable avant même de savoir ce qui avait bien pu se passer. L'homme a raconté qu'il nous avait surpris dans une situation des plus... blasphématoires puis a demandé à son fils de répéter ce qui lui avait dit.
-Et vous n'avez pas essayé de dire la vérité?
-Comme je vous l'ai dit, j'étais déjà condamnée. Mes parents ne voulaient pas m'entendre, car d'après eux seuls des mensonges pouvaient sortir de ma bouche. Et d'ailleurs je crois bien que même si on m'avait laissé la parole j'étais tellement dévastée et perdue et que je n'aurais pas su quoi dire. Vous savez à cette époque je ne connaissais même pas le mot « viol ». C'était une notion totalement nouvelle pour moi que quelqu'un puisse vouloir forcer une personne à faire l'amour. Je ne comprenais même pas ce que j'avais subit...
-Que s'est-il passé alors?
-Ils m'ont emmenée voir le Père Théophile. Le seul à pouvoir sauver mon âme de pécheresse.
-Et lui qu'a t'il dit?
-Ils se sont enfermé tous, le prête, mes parents, le garçon et son père dans une pièce privée de l'Eglise tandis que je devais attendre devant la porte. Ça a duré longtemps. Très longtemps. Mais quand ils sont ressortis ils se sont tous mis à me fixer d'une manière si intense que je savais que ce qui se préparait allait être... terrifiant. Le Père Théophile s'est alors approché de moi, m'a attrapé par l'épaule et m'a regarder dans les yeux pendant de longues et interminables secondes. Comme s'il cherchait à lire dans mon âme. Et puis, sans me lâcher, il a entrouvert la bouche et a articulé ces mots qui me hantent encore chaque nuit:
« C'est bien ce que je pensais... cette enfant est possédée par le démon. Une seule chose peut la sauver de l'emprise du malin désormais: elle va devoir être exorcisée. »
