-Pendant ces quatre ans nous étions en quelques sortes inséparables. Il voulait que je l'accompagne partout où il allait et moi je ne demandais que ça... Il m'a fait connaître du monde, m'a emmenée dans des endroits, comme dire... pas fait pour les personnes prudes. Et j'étais bien. J'étais douée même. Mais ce n'était plus le fait d'être attachée qui m'enivrait, c'était d'être attachée par lui. Et j'ai aussi découvert, même si évidemment j'avais déjà essayé durant mes précédentes séances d'un soir, le plaisir qu'on peut éprouver par la douleur. Vous savez c'est une question d'adrénaline je crois, enfin d'une hormone, un truc du genre...
-L'endorphine.
-Oui c'est ça!
-Il vous a... « renommée » vous m'aviez dit?
-Oui. Enfin une sorte de pseudonyme, comme c'est généralement utilisé dans ce genre de milieu et comme lui même en avait un. C'est étrange parce que... même après toutes ces années au final, je ne connais même pas son véritable nom. Mais je m'en fichais. Il était mon dieu des flammes, rien d'autre n'avait d'importance.
-Et comment a-t-il choisi le vôtre?
-De pseudonyme?
-Oui.
-Oh et bien, je ne sais pas vraiment pourquoi mais il restait toujours dans le thème des couleurs, avec tous ses « soumis » et « soumises » puisque c'est comme ça qu'on nous appelle. Et il choisissait cette couleur en fonction de notre personnalité. C'était ce qui nous allait le mieux selon lui. Ma couleur à moi il l'a choisie en partie à cause de mon prénom, et de son origine « le première femme », nue, dans la nature, croqueuse de fruit défendu. Et il savait que je venais de la campagne aussi. Il m'associait vraiment à l'univers végétal je crois. Il m'a toujours dit que je dégageais un sentiment de fraîcheur et d'espoir.
Barbara prend quelques notes puis repose son stylo dans son calepin pour revenir au visage de sa patiente:
-Ce que vous me racontez là Eve, prouve que d'une certaine façon vous avez raison lorsque vous dites qu'il avait de l'affection pour vous, même si ce n'était peut être pas de l'amour. Mais pourquoi il est parti sans un mot... Êtes vous sur qu'il n'y a pas eu, je ne sais pas... un élément déclencheur?
La jeune femme pousse un long soupir triste et remet une mèche de ses cheveux derrière son oreille avant de répondre:
-Si... il y a eu quelques chose en effet.
-Ah. Quoi donc?
-La mort de son meilleur ami.
-Oh...
-Un accident à la con. Ils avaient à peu près le même âge tous les deux et ils se connaissaient depuis des années. Il avait lui aussi les mêmes interêt pour cet univers et je le connaissais, plutôt bien même. Je l'appréciais, ça m'a fait beaucoup de peine le jour où j'ai appris son décès. Mais mon ami lui, ça l'a brisé, parce qu'en plus c'était tellement inattendu. C'est peu de temps après ça qu'il s'est volatilisé. Et je me dis parfois que peut être qu'il avait juste besoin de partir pour oublier, et qu'il reviendra un jour sans prévenir... Qui sait?...
