28] Oiseau

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-Et cet ami alors? Même si votre amour n'était pas réciproque vous aviez néanmoins une relation très forte de ce que je comprends. Pourquoi en parlez vous au passé?
-Parce que c'est du passé...
-Qui de vous deux a décidé de mettre fin à toute forme de relation entre vous?

Eve s'affale dans le canapé contre le dossier et se met à regarder par la fenêtre, comme plongée dans ses pensées. Le vent souffle dehors. La brise légère du matin s'est transformée en mistral. L'immeuble d'en face est à moitié caché par les branches d'un arbre devant la fenêtre qui bougent comme les bras d'une danseuse au rythme d'une symphonie. Un oiseau courageux prend son envol, mais ce vent ne le ralentit pas, bien au contraire. Il se laisse glisser sur les vagues d'air et semble presque flotté dans le ciel.

-Lui. Évidemment... ça ne pouvait être que lui. C'était un oiseau. Il était libre, intrépide... J'avais l'impression qu'il était la seule chose qui me permettait de rester en vie. Lorsqu'il est parti j'ai essayé de tenir quand même. Plusieurs longues semaines. Mais j'ai vite compris que ça allait être impossible alors...

Elle replonge son regard dans celui de Barbara qui finit alors sa phrase:

-...alors vous avez décidé de suivre une thérapie.

Elle hoche la tête.

-Oui. Et au même moment je rencontre Hatem... Et je vois bien que malgré le fait que j'ai longtemps essayé de me convaincre qu'il était ma seule issue possible, aujourd'hui finalement je n'ai jamais été aussi bien. Je continue de faire des cauchemars, je continue d'avoir peur, d'être hantée par mes fantômes... mais je vais mieux. Je crois vraiment que je vais mieux...

Le sourire qu'il se met alors à éclairer le visage de Barbara est éclatant. Elle est sincèrement heureuse d'entendre ces mots sortir de la bouche de sa patiente. Et même si elles savent l'une comme l'autre qu'il y a encore énormément de travail elles sont sur la bonne voie. La progression est incroyable en l'espace de deux mois de psychanalyse.

-Vous aviez dit qu'il était « parti », c'est à dire?
-Il m'a abandonnée. Il n'y a pas d'autre mot en réalité.
-Comment ça abandonnée?
-Et bien abandonnée. Littéralement. Sans un mot, sans un au revoir. Et même si je savais déjà parfaitement que sa nature profonde était destinée à m'oublier un jour, poussée par l'inconnu et l'envie de nouveau... je ne sais pas... j'aurai quand même pensé que...

Les larmes lui montent aux yeux malgré elle, elle s'essuie du revers de sa manche, puis renifle et reprend.

-Il ne m'aimait pas bien sûr, pas comme moi je l'aurai voulu en tout cas mais... je croyais vraiment que notre lien était plus fort que ça. Je croyais que ce n'était pas simplement sexuel. Mais de toute évidence je me suis trompée...

EveWhere stories live. Discover now