60] Souffrir

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Depuis l'annonce de sa grossesse il a fallut à Eve moins de trois jours pour que son ventre devienne rond et que tous les symptômes de sa grossesse apparaissent d'une manière si brutale que la jeune femme n'en fut qu'encore davantage déboussolée. Son cerveau et son corps ont assimilé la nouvelle mais son esprit lui n'y arrive pas. Eve n'arrive pas à l'accepter, à la comprendre.
Cette grossesse non désirée lui rappelle le père de l'enfant et lui rappelle sa propre jeunesse... Tous ses tourments qu'elle avait réussi à apaiser grâce à Barbara reviennent désormais au galop, faisant réapparaître ses cauchemars, ses angoisses, ses insomnies et ses peurs irrationnelles.

Eve souffre. Elle souffre réellement. Et Barbara souffre de la voir souffrir, ce que perçois parfaitement Eve, ce qui l'a fait culpabiliser pour rajouter au nuage de dépression qui plane constamment au dessus d'elle. Un cercle vicieux qui semble irréversible et éternel.

Huit mois.
Plus que quatre semaines avant l'accouchement et Eve a peur. Elle a peur de voir cet enfant, mais elle est également terrorisée par l'accouchement. Bien sûr pourquoi cela se passerait-il mal? Mais elle n'arrive pas à rester rationnel et ne pense qu'au pire. Si cet être a réussi à détruire son esprit et son moral pourquoi ne pourrait-il pas physiquement lui faire du mal?

Depuis un mois, Barbara prend sur elle à chaque instant et l'accompagne dans cette épreuve du mieux qu'elle peut. Elle lui parle, se renseigne grâce à toutes les émissions, témoignages, articles et livres qu'elle peut trouver, la soutient moralement à chaque instant, et même si cela ne semble rien donner elle continue inlassablement, se disant que sans ça Eve irait peut être encore plus mal.

Une semaine après sa sortie de l'hôpital Eve a réessayé encore une fois.
Elle a réessayé une ultime dernière fois de l'appeler. Lui. Le père de son enfant. L'homme qu'elle aimait tant. Après des mois sans avoir essayé, des mois où elle avait finalement réussi à passer à autre chose.
Mais bien sûr, comme toutes les autres fois la réponse fut identique: rien.
Alors elle lui a envoyé un sms. Un message le suppliant d'accepter de la revoir, que peu importe ce qui s'était passé entre eux elle ne lui en voulait pas et désirait simplement lui parler une dernière fois face à face. Elle promettait que ce n'était pas une ruse pour le revoir, que c'était réellement important, qu'elle devait lui parler.
Si Eve l'avait pu elle se serait mise à genoux à ses pieds pour le supplier de répondre, mais rien n'a fait. L'homme est resté muet, malgré l'attente d'Eve devant l'écran de son portable le serrant de toutes ses forces entre ses mains.

Ce soir là Eve a pleuré à ne plus pouvoir s'arrêter, à s'en étouffer presque.
Elle s'est penchée à sa fenêtre et une idée lui a traversé l'esprit. Une idée radicale. Elle a tellement hésité. Ça paraissait si simple. Sauter et ne plus penser à rien. Ne plus souffrir, ne plus avoir peur ni ne penser au passer.
Mais ce qui l'a retenu alors c'est Barbara.
Pas par sa présence car elle n'était pas là, mais par son esprit, par son amour.
Eve aime Barbara, et elle ne peut pas se convaincre de lui faire ça à elle, car alors même si Eve était libérée, Barbara prendrait sa place dans sa prison de désespoir...
Mais si leur amour a sauvé la vie de la jeune femme, il n'est en revanche pas suffisant pour l'empêcher de sombrer chaque jour un peu plus dans une profonde dépression...

EveOù les histoires vivent. Découvrez maintenant