Chapitre 12 - Qui es-tu ?

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— Vous êtes vraiment étranges vous deux, remarque Alec en nous dévisageant un à un.

— Tu parles, c'est toi qui a tué un homme à coup-de-poings, s'emporte Nate en croisant les bras.

Je fusille mon ami du regard, il ne sait vraiment pas tenir sa langue celui-là.

— Alors c'est ça que tu voulais savoir, Lucy, si j'ai ôté la vie d'un être humain ? Lance le beau brun en plantant son regard émeraude dans le mien.

Ma mâchoire se contracte subitement alors que je tente de réfréner les frissons qui parcourent ma peau. Cet humain a ce pouvoir, que je ne saisis pas, d'échauffer mon corps en un coup d'œil. Je serre le poing afin de me faire redescendre sur terre. Mon envie de connaître l'identité du tueur est plus forte que celle de créer des liens avec ce garçon. Et son rictus m'agace particulièrement, j'en ai assez de jouer...

— Écoute Alec, m'écrié-je en l'attrapant par le poignet. On à vraiment pas le temps de plaisanter, alors soit tu craches le morceau, ou soit je te le fais cracher par la force.

— Wow, wow, wow. Tout doux Lucy, s'empresse d'intervenir Nate. Mon cher Alec, comme tu peux le voir, la situation est très délicate. De plus, mon amie n'est pas très parlote, alors si tu pouvais nous dire si c'est bien toi qui as tué le garçon d'hier et si tu as des infos à nous donner... Ce serait sympa.

Le nouveau fixe avec attention mes doigts autour de son poignet. Je retire aussitôt ma main et détourne le regard. Alors que le silence est revenu, Alec lâche un long soupir avant de se redresser sur sa chaise.

— Vous êtes vraiment en train de me demander d'avouer un meurtre, alors que lui, c'est le fils d'un flic ? Demande-t-il en pointant Nate de l'index. Admettons que ce soit moi, en quoi cela vous aiderait-il de le savoir ?

J'échange un regard entendu avec Nate, il est l'heure de tout raconter au nouveau.

— Même si on ne dirait pas aux premiers abords, Nate sait tenir un secret. Mais je comprends ta situation, avoué-je en levant les yeux au ciel. Pour te répondre honnêtement et comme je suis sûre que c'est toi qui m'as sauvée hier... Nous enquêtons sur un tueur.

— Vous ? Raille le jeune homme l'air amusé.

J'ignore sa remarque sarcastique en me disant que ce n'est qu'un humain. Pas la peine de prendre la mouche pour si peu. Au vu de la situation, il vaut mieux jouer la carte de la vérité, autrement Alec ne nous dira rien et sera en danger.

— Oui, nous, dis-je sèchement. Et nous allons potentiellement sauver ta peau. Le tueur sur qui nous enquêtons t'a dans sa ligne de mire.

— On va sauver ta peau, oui en effet... Mais c'est quand même nous qui t'avons mêlé à cette histoire, enfin Lucy, renchérit Nate sous mon regard inquisiteur.

Cette nouvelle semble surprendre Alec, ce dernier fronce les sourcils en nous détaillant du regard. J'ai comme l'impression que le jeune homme nous prend enfin au sérieux.

— Attends, tu veux dire que le tueur de Rottenwood te veut du mal ? S'inquiète-t-il.

— Il la harcèle carrément ! S'empresse de répondre Nate en tapant du poing sur la table. Il lui envoie des mots et des photos qu'il a pris d'elle... Il a même tué son ami Ben !

— Nate ! Grondé-je en lui jetant un regard noir tandis que ce dernier reprend bruyamment sa respiration.

— Je comprends mieux la situation, déclare Alec d'un air sombre. Qu'est-ce qu'on doit faire pour protéger Lucy ?

Je secoue la tête face à sa réaction. Je n'ai pas besoin d'un preux chevalier pour me sauver. En réalité, si Seth n'était pas un danger pour mes amis, je ne prêterais pas attention à ses délires pervers. Il en faut bien plus pour m'effrayer. Et si Seth croit pouvoir m'atteindre, il se trompe. Comment le pourrait-il ? Mon âme n'est qu'un gouffre glacial où il vente et pleut depuis bien longtemps. Je suis une créature surnaturelle se nourrissant de la source vitale de mes compatriotes. Je n'inspire que la terreur ou les désirs malsains.

Et quand parfois la douleur que me provoque mon existence est trop forte, j'ai le pouvoir d'éteindre ses sentiments qui m'oppressent. Mais je n'éteindrais plus jamais ma part d'humanité, car la souffrance et la tristesse sont les seules choses qui me prouvent que je suis en vie. Comme des amies de longues dates, elles m'accompagnent et m'accueillent à bras ouvert quand me vient le doute. Leur délicieuse douleur, irradiant mon cœur, me réconforte dans l'idée que je ne suis pas un monstre et que je ressens toujours les émotions de ce monde. Pourtant, après tous mes efforts pour m'éloigner de cette part de moi qui me hante, je n'arrive plus à nous discerner l'une de l'autre.

TénèbresOù les histoires vivent. Découvrez maintenant