Soulmate - Tome 1

Chapitre 74

– Holly, Dieu merci tu es là ! Souffle le gérant des lieux en se postant face à moi.

Je dois lever la tête pour parvenir à voir l'homme de grande taille. Une horrible barbe blanche occupe désormais son menton et ce dernier semble avoir opté pour un nouveau tatouage sur le front.

– Il est ici depuis longtemps ?

– Il est venu hier, j'ai essayé de le convaincre de t'appeler mais il m'a dit qu'il n'avait plus de téléphone, une nana rousse est venu le chercher. Il est ici depuis ce matin, crois-moi je ne l'ai jamais vu comme ça.

J'accours vers le blondinet sans en dire plus à l'homme tatoué et surtout sans rebondir au sujet de la « nana rousse » puis m'empresse de retirer sa capuche. Je crois halluciner en voyant son front ainsi que ses joues couvertes de sang. Prise d'un haut le cœur je recule d'un pas avant que ce dernier ne se tourne dans ma direction. Ses yeux sont injectés de sang et ses lèvres tremblantes.

– Dégage, Jensen. Leo va se faire du souci pour toi.

L'amertume dans sa voix transperce mon cœur plus profondément que ce que je ne pensais. Sa voix pâteuse me fait cependant prendre conscience que son état d'ébriété doit sûrement être la cause de ce dégoût envers moi. Même si je comprendrai totalement le fait qu'il ne veuille plus entendre parler de moi. Je le comprendrai, mais ce n'est pas pour autant que je ne donnerai pas tout mon corps et toute mon âme pour obtenir son pardon.

– Je n'en ai rien à faire de Leo. Laisse-moi te ramener chez toi.

Il bondit du tabouret, manquant de s'étaler sur le sol mais se rattrape finalement au comptoir juste à temps. Il me repousse légèrement en arrière avant de tituber jusqu'à la porte du bar. Cet idiot est réellement une tête de mule !

– Je peux me démerder tout seul. Je suis un grand garçon.

Je lui cours après et attrape la manche de son tee-shirt mais lorsque ce dernier se retourne enfin, mon cœur se brise pour de bon. Je peux voir dans ses yeux toute la haine qu'il me porte, ses joues accueillent désormais ses sanglots tandis que ses lèvres continuent de trembler. Le désespoir se mêle à la haine sur son visage et c'est alors qu'une fois passés la porte du bar, Kerian se laisse tomber par terre. Le dos contre le bâtiment et les genoux repliés sur lui, le blondinet reprend cet aspect fragile que j'aimais tant autrefois. Mais pas cette fois, je ne supporte pas de le voir tant souffrir en partie par ma faute.

– Kerian... s'il te plaît écoute moi.

Je m'accroupis et une fois à sa hauteur c'est avec une immense surprise que ses lourds bras attrapent mon frêle corps pour l'enlacer de toutes ses forces. Je peux sentir son cœur battre la chamade à mesure que mes mains passent dans ses cheveux emmêlés. Je me demande bien qui a pu le blesser de la sorte. Tout ce sang sur son visage ne m'avait pas manqué, pourquoi faut-il toujours qu'il se batte ? Pourquoi son doux visage doit-il toujours finir en sang ? A cet instant, aucun mot ne parvient à sortir de ma bouche pour la simple et bonne raison que ce retournement de situation me laisse sans voix. Je pensais qu'il me détestait, qu'il ne voudrait plus jamais entendre parler de moi.

– Comment elle va ?

– Jil ? Elle va bien.

– Je suis... putain, je suis désolé.

Cette voix légèrement cassée m'avait manquée, elle me rappelle sa voix encore fatiguée du matin. Je le revois, allongé près de moi, toutes nos nuits passées ensemble me reviennent en mémoire. Je le revois ouvrir ses petits yeux verts, j'entends sa voix me murmurer d'adorables « Bien dormis mon ange ? », me susurrer de doux « Je suis fou de toi » à l'oreille et des larmes perlent à mon tour sur mon visage. Je sais que nous avons l'air de deux idiots, deux pochtrons trop saouls pour réellement contrôler leurs sentiments mais tant-pis. Je n'ai aucune raison valable pour que mes larmes coulent ce soir, ce n'est pas à moi d'être dans cet état et pourtant je ne peux les retenir.