Soulmate - Tome 1

Chapitre 81

  Je n'arrive pas à croire que les vacances soient passées si vite et que Sandy soit partie. Ça ne fait que quelques jours mais sa bonne humeur constante me manque déjà ! Je suis, de plus, loin d'être joyeuse à l'idée de cette rentrée, les grâces-matinées ainsi que les perpétuels réveils auprès de Kerian vont me manquer. Nous nous sommes tant rapprochés durant ces vacances que je ne m'imagine plus le moins du monde ne pas le voir durant plus d'une journée. J'aimerai tant que ce bonheur reste au beau-fixe.

Je sors de sa voiture lorsque nous arrivons enfin devant le bahut et je sens instantanément les regards se poser sur nous. Des voix s'élèvent et des rires se font entendre. Je pensais pourtant que ces crétins du lycée avaient assimilés le fait que lui et moi étions en couple. Je ne relève pas et embrasse mon petit-ami avant de rentrer dans le lycée en compagnie de Rachel tandis qu'il se dirige vers mon frère. Les ricanements continuent à mesure que j'avance dans le couloir, je comprends alors très vite que les moqueries ne viennent en aucun cas de notre couple mais de moi seule. Je ne saisis pas trop la situation mais qu'importe. Adossée à un casier près des toilettes, j'entends des talons claquer bruyamment et très rapidement sur le sol, je me retrouve rapidement face à une Jil essoufflée et hors d'elle. Je prie pour qu'une dispute n'ait pas lieu de si bon matin !

– Holly ! Crache-t-elle avant de me tirer violemment à l'intérieur des toilettes.

Jil a perdu la tête ? Qu'est-ce qu'il lui prend ? Je défroisse ma chemise tandis que Rachel nous rejoint dans la pièce encore vide.

– Qu'est-ce qu'il te prend ?

– La vidéo... Kerian est... il a...

Elle semble à bout de souffle. Mais merde, de quoi la rouquine veut-elle parler ? A quelle vidéo fait-elle allusion et surtout, qu'est-ce que Kerian a à voir dans cette histoire ?

– Jil, merde, dis-moi.

– Tu ne l'as pas reçue ? Tu n'as pas reçue la vidéo ?

– Mais quelle vidéo ?

– De toi et Kerian...

Elle attrape son téléphone dans son sac avant de me le tendre et je crois halluciner en voyant le message provenant de l'ancien numéro de ce dernier. J'ouvre la vidéo et mon cœur s'arrête net. Les premières secondes suffisent à manifester de la suite des événements. Je reste cependant une seconde sous le choc, le téléphone coincé entre mes mains. Ma chair presque intégralement nue dévoilée sur ce petit écran de téléphone et visiblement à la vue de tout le monde me fait perdre toute notion de ce qui m'entoure. Il n'y a que moi et cette foutue vidéo semblant représenter l'un des moments le plus intimes de ma vie. A cet instant précis, une foule de questions me vient en tête : Comment a-t-il pu ? Comment Kerian a pu nous filmer ? Et plus encore, comment a-t-il pu avoir l'audace d'envoyer cette vidéo à ses contacts ? Je comprends alors la réaction de tous ces lycéens, tous ces inconnus ayant vu mon corps nu, m'ayant vu au beau milieu de ce moment charnel et privé. Le monde semble s'écrouler autour de moi à mesure que je remets tout dans l'ordre. Le pari, il n'a jamais été question de sortir avec moi mais plutôt de coucher et Peter et Kerian se disputaient sans doute cette place. Pourquoi ? Pourquoi s'est-il donné tant de mal pour un fichu pari ? Pourquoi tous ces cadeaux, ces belles preuves d'amour et ces déclarations ?

– Holly, répond moi.

La voix de Rachel me ramène à moi et c'est à ma plus grande stupéfaction et incompréhension que je me retrouve assise sur le sol, le dos contre un mur, les genoux repliés contre mon buste et des larmes perlant le long de mes joues. La moindre parcelle de mon corps tremble et je ne peux l'arrêter.

– Relève toi, me souffle Jil tout en me tendant sa main.

– Tu le savais, tu savais que cette vidéo existait ? Tu savais tout depuis le début ?

Je n'ai même pas la force de hurler, ma voix porte si peu que je doute un moment sur le fait qu'elle ait bien tout entendue.

– Non, enfin... je savais pour le pari mais pas pour la vidéo, je ne savais pas qu'il était allé jusqu'au bout. Il nous a dit qu'il était arrivé à ses fins avec toi mais je ne savais pas qu'il était question de preuves par vidéos.

– Un pari ? S'étrangle Rachel en faisant les cents pas dans la pièce.

– Ouais, c'est comme ça que tout a commencé mais à partir du moment où il a obtenu ce qu'il voulait il a radicalement changé et n'a pas voulu laisser Peter le faire à son tour. Il a regretté et...

– Je rêve, qui est le connard qui a eu cette brillante idée ? Ironise Rachel.

Je la sens bouillir de l'intérieur tandis que je reste assise, à demi consciente de ce qu'il se passe.

Je me sens impuissante, mes jambes sont si engourdies que je n'ose pas me lever de peur de retomber instantanément. Je n'arrive pas à y voir clair, les souvenirs se bousculent en moi et je ne parviens pas à aligner deux mots. Mon crâne me fait un mal de chien et j'ai du mal à respirer. Mon souffle est court et mon cœur pourrait sortir de ma cage thoracique à tout moment.

– En fait, c'est Owen qui a eu l'idée des paris. Mais il n'était pas question de toi au départ. D'ailleurs il n'a jamais été au courant, c'était ça le but de la première soirée, chez moi. Ecoute je sais que tout est allé trop loin, je ne pensais pas qu'il resterai si longtemps avec toi, je ne pensais pas qu'il pousserai le vice si loin. Mais je ne peux pas le laisser faire, Luna l'a rendu vil, froid et insensible et elle en est morte. Qui sait ce qu'il pourrait t'arriver.

Je dois avouer ne pas écouter les trois quart de la phrase de Jil. Je ne peux pas, l'horrible mal de crâne s'était emparé de moi est rapidement suivi d'une irrépressible envie de régurgiter tout mon petit-déjeuner. Je m'apprête à me lever quand des cris se font entendre dans le couloir puis la porte s'ouvre violemment sur un Kerian au bord de l'explosion. Je crois ne l'avoir jamais vu dans un tel état d'énervement. Ses poings tout comme sa mâchoire sont serrés et la veine sur son front ressort plus que jamais. La simple vue de son visage parvient à me soulever le cœur.

– Bébé.

Il semble s'apaiser lorsqu'il baisse les yeux dans ma direction. Je ne lui réponds pas, je n'ose pas ouvrir la bouche, à vrai dire ma gorge est tellement nouée que de nouvelles larmes peuvent à tout moment perler sur mon visage et il est hors de question que e n'apporte cette satisfaction au grand blond me faisant face.

Me voir dans cet état flatterai son ego, or, je lui ai bien trop flatté ces derniers temps. Comment est-ce que j'ai bien pu croire l'espace d'un moment que Kerian Duchemin avait changé ? Comment est-ce que j'ai bien pu m'imaginer l'avoir rendu bon, avoir fait de lui un type bien ? J'ai été si naïve que je ne peux réprimer un petit rire.

La porte s'ouvre de nouveau sur Owen, Evy et Peter tandis que je me décide enfin à me relever. Tu es forte Holly, ne le laisse pas t'atteindre, ne le laisse pas te briser, me rappelle ma conscience tandis que je fais tout mon possible pour me rassembler. Il faut que j'agisse, que je bouge. J'aimerai tant avoir la force de m'approcher de lui, avoir la force de lui en coller une telle que je l'ai déjà fait avec Peter ou lui-même. J'aimerai l'insulter de tous les noms, le descendre aussi bas que terre, lui balancer des méchancetés dans le but de le briser comme il l'a si bien fait avec moi. Mais il m'est impossible de faire un pas en avant. Mon corps tremblant semble me l'interdire.

– C'est quoi ce putain de bordel ? Beugle mon frère tout en attrapant son ami par le col avant de le plaquer contre le mur.

L'attaque est si violente que, l'espace d'un instant, je me demande si Kerian n'en a pas perdu connaissance. Mais non, il est encore bien éveillé, la lèvre tremblante et le regard suppliant.