Epilogue

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Kerian

  Dans cette putain de vie, il y a toujours un instant, un putain de moment ou tout ce que vous souhaiteriez, c'est que la terre elle-même vous engouffre dans un vide intersidéral, vous ne désirez à cet instant précis n'être qu'un foutu grain de sable jonchant maladroitement le sol, qu'un grain de poussière parmi tant d'autre, un vulgaire caillou face à une dangereuse paroi rocheuse. Vous désirez allumer le contact de cette putain de caisse et rouler sans vous arrêter. En fait, vous désirez même tout arrêter, ou bien tout recommencer. Vous ne parvenez même pas à imaginer tout ce que votre entourage peut penser de vous à cet instant précis, vous pouvez simplement deviner le dégoût, la tristesse qui doit sans doute les habiter. Vous ne pouvez qu'imaginer la douleur de cette parfaite petite-amie à qui vous venez de briser le cœur. La colère de son aîné, qui était au part avant votre meilleur-ami, la déception de votre petite sœur, attendant tant de vous; également la honte de vos parents, ayant placé tant d'espoir en votre personne. Mais par-dessus tout, vous voudriez quitter cette enveloppe corporelle nuisible, destructrice pour quiconque a le malheur de l'approcher.
Je chancelle jusqu'à ma chambre, le petit livret à la main, lisant les pensées de celle qui faisait tant mon bonheur au part avant. Lisant et relisant sa manière de me haïr pour au final continuer de m'aimer. Sa manière de me désirer si fort que je l'en ai dégoûté. Et à cet instant précis, je ne peux retenir mes sanglots. Merde, putain, pourquoi est-ce que j'ai agi tel un connard de première ? Cette fille est la seule à avoir réussi à me faire cesser de ne penser qu'à ma petite personne.

Lisant et relisant les lignes griffonnées dans ce qui semble être son journal intime, ce sont les dernières qui me restent en mémoire. Le papier légèrement froissé et les tâches d'eau séchée témoignent qu'elle les a écrites tout en pleurant. « Cher journal, j'aime le frère de ma meilleure-amie. Je l'aime plus que quiconque n'a jamais osé l'aimer, je l'aime plus que je n'aime ma propre personne et je l'aime d'autant plus du fait qu'il ait réussi à me faire indubitablement et irrémédiablement tomber amoureuse de lui. Mais je ne peux m'empêcher de le haïr, haïr ses mensonges et ses manigances, haïr ce qu'il a fait de moi ainsi que l'image dont j'ai hérité par sa faute et aussi bizarre que cela puisse paraître, je le hais d'autant plus de m'avoir fait tomber sous son charme, d'avoir fait de lui mon nécessaire. Je sais, c'est stupide, il est évident que personne ne peut aimer quelqu'un si intensément tout en le haïssant. Mais après tout, ce ne sont que les confessions d'une stupide adolescente perdue entre la haine et l'amour, uniquement l'affirmation que tout ne se finit pas bien comme dans les livres, seulement le reflet de la triste vérité de la vie. Mais quelle vie ? J'ai l'impression de retenir mon souffle depuis que tout a basculé, combien de temps me reste-t-il avant que je ne perde connaissance ? ».
Les larmes coulent sur les pages à mesure que je m'obstine à en lire les nombreuses lignes. Il m'est impossible d'envisager la vie sans elle. En entrant dans ma vie, cette adorable créature a fait entrer de la lumière, un halo réconfortant dans mon cœur au part avant endormi par la haine et le vice. Mais je l'aime, putain. J'ai toujours détesté le fait d'appartenir à quelqu'un tel un vulgaire objet, mais Holly détenait mon corps ainsi que mon âme, elle détenait et ravivait ce qu'il y avait de meilleur en moi, ce que j'avais perdu quelques années plus tôt. Sans s'en apercevoir, elle contrôlait la moindre parcelle de mon être.

Et c'est ainsi que je me rends compte que ; qu'importent mes rencontres futurs, qu'importent mes stupides amourettes, je n'aurais jamais plus ce sentiment, le sentiment de vivre, de survivre pour quelqu'un. Je n'aurais jamais plus ce sentiment si étrange d'être par-delà les nuages, de flâner le long d'un paysage utopique. La réalité est telle que tout mot détient un contraire. Glissant peu à peu dans une sombre dystopie, je redoute plus que tout le futur. Mais quel futur ? Quel avenir pourrais-je prétendre vouloir sans elle. Sans celle qui habitait mon corps tel un alter-ego. Telle une âme-sœur.

A suivre...

Soulmate - Tome 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant