Soulmate - Tome 1

Chapitre 14

  Rachel et moi passons le reste de l'après-midi à nous remémorer de nombreux souvenirs d'enfance, jeter un œil à nos vieilles photos et à discuter de la soirée chez les Duchemin. L'attitude de Kerian envers sa sœur et Julian me reste cependant en mémoire. J'aimerai tant savoir ce qui a bien pu le pousser à agir de la sorte, Kerian a beau être un petit con vulgaire, j'ai la vague impression que quelque-chose se trame dans son étrange cerveau, mais quoi ? Pourquoi cette réaction disproportionnée ? Pourquoi ne pas m'avoir envoyé de message ? J'ai du mal à croire que le beau blond m'en veuille de lui avoir fait faux bond ce matin, pourquoi est-ce que mon départ à l'aube l'attristerait ?

Il est un peu plus de dix-huit heures quand je me décide enfin à filer sous la douche. Lorsque j'y rentre, de l'eau bouillante coule sur mon corps déjà chaud, ce n'est en rien déplaisant au contraire. Je pose délicatement mes mains sur mes côtes, de toutes petites traces rouges semblent persister de la veille, il faut dire que je sous estimais la force de Kerian avant hier soir ! Et soudain je le revois, agrippant la couche de peau recouvrant mes frêles côtes, je le sens plonger ses longs doigts dans la chaire plus consistante de mes hanches. Sa respiration saccadée et ses sublimes dents attrapant mes lèvres roses me reviennent en mémoire. Chaque partie de mon corps que j'ai le malheur de toucher me rappelle cette soirée avec le beau blond, cette sublime soirée. Et maintenant, je regrette de m'en être allé si vite. C'est pas vrai, Holly, tu as promis, il ne faut plus que ça arrive, jamais. Ma conscience me ramène sur terre et je sors de la douche au bout d'une bonne vingtaine de minutes, en me regardant dans le miroir je me rends compte que la petite trace violette sur ma nuque a disparu. Ce n'est pas trop tôt, je commençais à en avoir assez d'étaler continuellement du fond de teint sur cette petite trace. J'enfile alors une robe longue en velvet vert sans dos mais avec quatre fins lacets à la place. La robe m'arrive presque aux chevilles et est dotée d'une sublime fente sur le côté. Je chausse mes talons noirs et ressort de la salle de bain sous le regard ébahi de ma meilleure-amie.

– Tu es... sublime !

Je la remercie gracieusement et finis de me préparer en me maquillant et me coiffant.
Une trentaine de minutes plus tard Rachel et moi rejoignons la demeure de mon amie pour s'atteler aux préparatifs. J'ai une peur bleue de croiser Kerian, s'il m'en voulait pour ce matin ? Comment est-ce que je pourrais bien réagir s'il avait l'audace de me balancer des pics devant sa sœur ? Mais je ne peux plus reculer, j'entre alors dans la belle mansarde, me forçant à ne pas paraître décontenancée en l'apercevant allongé sur le canapé.

– Salut, Kerian, je bégaye.

Je passe mes mains derrière mon dos en sautillant d'un pied sur l'autre de nervosité, pourquoi est-ce que je suis si nerveuse ? Je n'ai jamais vraiment eu peur de Kerian avant toute cette histoire. Les secondes passent et l'adolescent ne me répond pas, il ne daigne même pas lever les yeux dans ma direction, alors il a vraiment été blessé ? Une minute a passée et l'adolescent fait semblant d'être surpris en levant enfin les yeux dans ma direction.

– Oh, Jensen, bien dormis j'espère ?

Sa voix est fausse, qu'est-ce que je peux bien lui dire ? Owen sait que j'ai dormi chez Rachel et lui, je ne peux pas mentir à Rachel sur ce sujet, la vérité sera d'autant plus vite découverte.

– Bien, et... désolée pour la chambre.

Kerian me lâche un sourire tout ce qu'il y a de plus faux avant que Rachel n'agrippe mon épaule.

– Ne t'excuse pas. C'est sa faute. Il ne devait pas rentrer à la maison, grince Rachel. Comment vous vous êtes débrouillés alors ?

La question de mon amie semble le faire rire, il ne répond pas pour autant, son visage est si fermé en comparaison de ces derniers jours. Sa mâchoire n'a jamais été si serrée tout comme ses poings qu'il tente tant bien que mal de camoufler derrière son corps imposant.

– Elle dormait quand je suis arrivé, je lui ai laissé mon lit et je suppose que je me suis endormi sur ma chaise de bureau. Je n'ai aucun souvenir de cette foutue soirée.

Sa voix était sèche mais le simple fait de prononcer ces phrases semblent le calmer, je lui adresse un signe de tête comme remerciement puis fronce les sourcils en me repassant la scène dans ma tête. « Je n'ai aucun souvenir de cette foutue soirée ». Alors, il ne se souvient de rien du tout ?

– Rien ?

J'ai une voix suppliante, je prie pour voir un grain de malice sur son visage espiègle, un petit clin d'œil comme souvent ou même qu'il se mette à crier tout fort que nous avons couchés ensemble. Mais rien ne se passe, il lève simplement un sourcil en bougeant sa tête de gauche à droite. Génial Holly, tu as été déviergée par un connard qui ne se souvient de rien. Une larme perle sur mon visage sans que je ne puisse la retenir, par chance Rachel est bien trop captivée par son téléphone pour s'en rendre compte. Kerian, en voyant la goutte que je balaye rapidement d'un revers de main, ferme les yeux et lorsqu'ils les ouvrent de nouveau son visage semble s'être radoucit, il s'apprête à dire quelque-chose quand la sonnerie de son téléphone retentit, il contourne rapidement le canapé avant de s'éclipser dans la cuisine pour prendre l'appel.

– D'après les dernières nouvelles on sera un peu moins de soixante ! Chantonne Rachel en s'asseyant sur la table de la salle à manger.

Je ne sais pas si j'ai encore réellement envie d'aller à cette soirée. Mais après tout je n'ai pas vraiment le choix, comment est-ce que je pourrais expliquer à ma meilleure amie que je refuse d'aller à une de ses soirées uniquement parce-que son frère est également présent ? J'esquisse alors un sourire sans pour autant répondre avant qu'elle ne file se préparer tandis que je m'attelle à sortir les bouteilles ainsi que la nourriture et les gobelets.
Une fois la tâche terminée, je me retourne vers la cuisine et tombe nez à nez avec Kerian, me fixant du pas de la porte de la grande cuisine américaine. Son visage est inerte, aucun sentiment ne semble émaner de son corps robuste.

– Oui, Kerian ?

Ma voix semble encore le supplier, le supplier de dire la vérité, de m'avouer que tout ça n'est qu'une stupide blague montée uniquement dans le but de me blesser. A l'heure actuelle je m'en fous, je veux juste m'assurer que je ne suis pas la seule à me souvenir de cette nuit magique que nous ne revivrons de toute évidence jamais de la vie.

– Jolie robe, se contente-t-il de cracher avant que la sonnette de la porte d'entrée ne sonne.

J'aurais aimé prolonger cette discussion, lui demander une explication, m'excuser, mais non, il semble vouloir éviter le sujet étant donné la vitesse à laquelle il accourt à la porte, mon frère sans doute. Je me retourne alors pour remplir les bols de gâteaux salés et entends une voix féminine dans mon dos. Je connaîtrai entre milles la voix suraiguë de miss pétasse.

– Oh c'est sublime ici ! Je n'arrive pas à croire qu'on ait toujours couchés ensemble dans ta voiture !

Une mine de dégoût doit apparaître sur mon visage et un énorme pincement au cœur se saisit de moi sans prévenir. Lorsque je me retourne vers la voix féminine bien trop aiguë je ne suis pas vraiment surprise de voir Jil. Oh sa chevelure rousse parfaitement peignée et ses courbes surdéveloppées ont le don de m'énerver au plus haut point ! Kerian semble s'en rendre compte puisqu'il esquisse un petit sourire. Est-ce qu'il essayerai de me rendre jalouse ?

– Aucune fille n'est jamais montée dans ma chambre depuis...

Il se racle la gorge avant de reprendre, les yeux rivés sur moi comme s'il s'adressait à ma personne.

– Et on n'ira pas ce soir non plus.

Jil semble s'en rendre compte puisqu'elle lui met un petit coup de coude dans la côte. Alors j'ai été la première ? La première à mettre les pieds dans son antre ? Pourquoi n'avait-il laissé aucune fille entrer dans sa chambre ? Des tonnes de questions semblables s'emmêlent dans ma tête. Je crois n'avoir jamais autant réfléchi que ces temps-ci. Mais, pas le temps de réfléchir, dix petites minutes après l'arrivée de l'insupportable Jil la sonnette commence à retentir laissant apparaître les premiers invités. Cette soirée s'annonce longue, bien trop longue !