Soulmate - Tome 1

Chapitre 82

– Je... je ne voulais pas, je n'y suis pour rien, je te jure putain. Je n'ai pas envoyé cette foutue vidéo. Tu me connais, Owen.

– Oh que oui, je te connais espèce de grosse merde. T'as pris en putain de vidéo la première fois de ma sœur. Je devrais te buter pour ça.

Il hurle si fort que je sens trembler le mur sur lequel je reste appuyée. Je n'ai jamais vu Owen à ce point hors de lui.

– Ce n'était pas pour elle. C'était pour... pour les paris, je ne savais pas qu'Holly et moi coucherions ensemble ce soir-là. C'était pour une... une autre fille.

Sa voix suppliante ne me touche pas le moins du monde pour la simple et bonne raison que je sais pertinemment que son excuse est bidon.

Peter ricane tout en s'adossant au mur face à moi. Il a réussi, il a réussi à me briser. Peter a indirectement réussi à briser d'autant plus mon cœur et son air jubilatoire me dégoûte au plus haut point. Comment peut-on être insensible à ce point ? Je pensais que tout humain avec un cœur, que les cœurs de pierres n'existaient que dans les films où dans les livres. Je me suis visiblement trompée. Kerian me dégoûte d'autant plus, outre le fait qu'il soit parvenu à déchirer mon cœur à main nu, outre le fait qu'il se soit fichu de moi durant tout ce laps de temps, outre le fait qu'il se soit servi de moi pour gagner un pari, Kerian Duchemin a réussi à briser une chose que je n'aurais jamais cru capable d'être si facilement anéantie. Le blondinet aux tatouages est parvenu à briser mon âme. Il est parvenu à chasser d'un revers de main le siège de mes pensées, le principe même de toute sensibilité et de toute réflexion, le berceau de toute passion.

– Tu comptes enfin dire la vérité ? Tu comptes enfin retirer ce masque de victime pour révéler ta vraie nature de salaud hypocrite et insensible ?

Tout le monde fait volte-face dans ma direction au moment même où cette phrase m'échappe. Jamais je ne me serais crue capable de lui balancer une telle chose à la figure.

Mon frère se décolle de Kerian tandis que l'horrible blond s'avance vers moi.

– Crois-moi, Holly. C'était avant de tomber amoureux de toi.

– Alors quoi ? Ce n'est pas toi qui as pris la vidéo ?

– Si, mais...

– Et tu n'as pas parié avec Peter ? Tu n'as pas parié sur le fait que tu réussirai à coucher avec moi ?

– Si, Holly mais ce n'est pas si simple, putain.

– S'il n'y avait que ça ! Ricane Peter tout en attrapant l'épaule de Kerian.

– Alors explique-moi. Je veux tout savoir.

Le grand métisse pouffe de rire tout en tournant autour de nous tel un vautour affamé. Je redoute plus que tout d'entendre cette histoire. Je ne sais pas à quoi m'attendre et j'ai bien peur que la réalité des faits ne soit pire que ce que je me suis imaginée.

– Et bien ma jolie, la vérité la voilà. Si Kerian s'est rapproché de toi c'était uniquement pour un pari, un pari que ton cher frère a lancé ! Le but n'était pas vraiment de te faire coucher avec lui. Ça l'était au début, puis j'ai décidé de pimenter le jeu en pariant qu'il ne parviendrait pas à te faire tomber réellement amoureuse de lui. Je ne pensais pas que ce serait si simple pour lui. C'est pour cette raison que je suis venu donner l'argent à Kerian chez lui, lorsque t'étais là ! Et c'est aussi pour cette raison qu'il ne voulait pas que tu t'approches de moi, il voulait gagner d'une part puis il a refusé de te l'avouer et avait peur que je ne vienne tout foutre en l'air.

Je suffoque, alors tout a toujours été faux. Je n'étais qu'un stupide pion sur l'échiquier. Je n'étais qu'un pari, qu'un jeu, notre soi-disant amour ne valait que quelques billets. Et je suis tombée dans le panneau comme une bleu. Je ne peux m'empêcher de repenser à toutes ces attentions qu'il a eu pour moi, à toutes ses promesses, au fait qu'il m'ait supplié de ne jamais le quitter. Son égoïsme me parait comme à son paroxysme. Parmi la centaine de filles présentes dans ce lycée, c'est moi qu'il a choisi. Il a choisi la petite-sœur de son meilleur-ami. La meilleure-amie de sa cadette. Pourquoi ? Je crois l'avoir toujours admiré mais il n'a pas trouvé mieux que de me faire tomber sous son charme. Me faire espérer à un futur idyllique, à un avenir commun, à un amour utopique. La petite fille dans la coque du bateau semble avoir pris l'eau et l'embarcation semble se réduire un peu plus en miettes à chaque minute qui passe. Il semble couler tandis que la fillette au cœur brisé tente de garder la tête hors de l'eau. Mais comment est-ce que je pourrais prétendre rester à la surface sans cette coque en bois me retenant ? Je n'ai jamais été lâchée dans ce long fleuve que l'on appelle la souffrance, ou du moins pas aussi profondément. Chaque respiration semble être un effort de plus en plus insurmontable. Jusqu'où est-ce que je pourrais aller ? Est-ce qu'un jour, je parviendrai à regagner la rive ? Ou bien est-ce que je suis condamnée à cette perpétuelle suffocation, à cette éternelle souffrance, à cette noyade certaine ?