CHAPITRE 30 - ARTEMIS

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CHAPITRE 30 : ARTEMIS


À peine ai-je ouvert les yeux que je les referme. Je lâche un grognement face à la douleur qui se propage dans chacun de mes membres. Mes jambes me donnent l'impression de mourir à petit feu, ma tête manque d'exploser et mes bras n'ont jamais été aussi lourds. Je supplie presque la mort de venir me bercer.

Je redresse lentement la tête et tente de reconnaître la forêt dans laquelle Saturne nous fait traverser. Les pins ont remplacés les chênes et les lupins ont remplacé les marguerites sauvages. La température n'est même pas la même. Je tire sur ma veste pour qu'elle puisse me couvrir un minimum la nuque. Je sens les trois flèches plantées dans mon corps et n'essaye même pas d'imaginer à quoi je ressemble. Mon corps entier est recouvert de sang noir et rouge, à croire que j'en ai pris un bain.

Saturne part soudainement au trot d'un coup en hennissant. Je me retiens de hurler de douleur lorsque mon corps rebondit sur son encolure musclé. J'aurais presque préféré qu'il parte au galop.

C'est lorsque je relève la tête que j'aperçois un village natif. Mon cœur s'emballe et je tente d'oublier la crainte qui me domine. Deux gardes armés de lances s'avancent vers Saturne qui s'arrête à l'entrée. J'enfonce ma tête dans sa crinière pour essuyer discrètement les larmes de souffrance qui coulent. Je ne suis pas si faible.

Saturne se remet à marcher en entrant dans le petit village. Le temps a l'air de se figer quelques instants lorsque les habitants s'arrêtent tous et me fixent d'un air d'horreur et terrifié. Des enfants me regardent effrayés, mais aussi curieux lorsque leur regard se pose sur Saturne. J'ai l'impression qu'ils le reconnaissent. Je sens la présence constante des gardes derrière nous et je passe discrètement ma main sur ma dague cachée dans mon pantalon. Je me raccroche à la longue crinière de Saturne lorsqu'il s'arrête brusquement.

Avec le peu de dignité qu'il me reste, je relève le buste et fait face à un natif brun qui s'avance vers nous. J'hésite entre le décrire comme un ours imposant ou un ours en peluche. Son visage exprime une grande gentillesse, tandis que son corps est menaçant. Il possède un tatouage de feuille sur la moitié de son visage et ses cheveux noirs sont rassemblés en une crête nattée. Par réflexe je pose ma main sur mon arc mais Saturne tourne la tête vers ma main et essaye de la mordre m'interdisant de toucher à mon arme. Son mouvement étant rapide et brusque, je perds l'équilibre. Je le sens essayer de me récupérer à l'aide de ses muscles antérieurs, mais je glisse de la selle malgré ces efforts. Je grogne et me retourne allongée au sol, agonisant. Je m'allonge sur le flanc et crache du sang noir. Le Natif m'observe de la tête au pied et commence à passer ses bras autour de moi avant de me porter comme un sac sur son épaule robuste. Je retiens mes hurlements en serrant mes dents entre elles.

Je sens un souffle chaud sur ma main qui pendouille dans le vide et en la remontant légèrement, je sens le museau de Saturne qui me rassure. Je relève la tête et remarque un jeune garçon arrêter Saturne qui redresse ses oreilles dans ma direction. L'homme ours m'emmène dans une maisonnette où il me pose lentement sur un lit. Je m'attendais à ce qu'il soit douillet, mais le choc me surprend. Je devine que c'est un mélange de paille et de terre recouvert d'un tissus fin. L'homme s'en va, puis revient avec un grand verre d'eau. Je le regarde les yeux entrouverts et finis par accepter la boisson. Autant mourir maintenant si l'eau est empoisonnée.

Mon verre d'eau finit d'une traite, je repose lourdement ma tête sur l'oreiller fait à partir de laine. Ça, c'est assez confortable. Je hurle de douleur lorsque le Natif retire une des flèches de mon corps. J'essaye de retenir mes larmes avec le reste de ma fierté. Octavia avait raison, j'en ai beaucoup en réserve. L'homme ours me donne à boire de suite une petite fiole, comme celle de Lincoln. Je devine donc que ces flèches sont empoisonnées et que le liquide verdâtre en est le remède. Je le bois d'une traite et le redonne au natif. Je tousse face au liquide tout aussi fort que dégelasse. Je ne veux pas savoir sa composition. Il passe ensuite un tissus mouillé sur mon visage et commence à y retirer du sang.

𝐀𝐫𝐭𝐞́𝐦𝐢𝐬¹Where stories live. Discover now