Chapitre 9.4

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La feuille glissa lentement à terre. Je restais figée, hypnotisée par sa légèreté et les mouvements aériens précédant sa chute, tout plutôt que de voir celui qui se tenait juste devant moi.
— Éviter de me regarder ne va pas me faire disparaître, ironisa-t-il en se plantant encore plus près. La technique ne marchait déjà pas à l'époque, tu ne t'en souviens pas ?

Je fermais les paupières en inspirant vivement. Ce n'est qu'un cauchemar. Je n'allais pas tarder à me réveiller. Il n'avait malheureusement pas disparu lorsque j'ouvris de nouveau les yeux.

— Que veux-tu ? demandais-je d'une voix lasse.

— C'est comme ça qu'on accueille un voisin ! J'imaginais nos retrouvailles autrement.

— Arrête ton cinéma et va à l'essentiel.

Ma mauvaise humeur n'avait pas l'air de le rebuter. Il plissa les yeux, me détailla en souriant.
— Tu t'es embellie en tout cas. J'ai du mal à reconnaître la fille effacée de l'époque. J'ai bien fait de passer dans le coin. Tu habites toujours ici ?

Je n'aimais vraiment pas son regard qui s'attardait sur ma silhouette.

— Non, je récupère juste des affaires.

Il remarqua la valise derrière moi. J'espérais qu'il allait s'en aller et me laisser tranquille avant qu'Arenht ne revienne me chercher. Visiblement, ce n'était pas son intention.

— Ça te dit de venir boire un verre en souvenir du bon vieux temps ?

— On ne doit pas avoir les mêmes souvenirs, je pense. Ça sera sans moi.

— On fait la fière maintenant. J'essaie de me comporter en gentleman, mais si tu le prends comme ça, je vais devoir changer de tactique.

Il m'empoigna avec rudesse, un sourire cruel étirant ses lèvres. Ma force surpassait la sienne, me défaire de sa prise représentait une simple formalité, mais une panique soudaine me paralysa sur place, me laissant incapable de riposter. Le passé reprenait ses droits. Le traumatisme se réactiva dans mon inconscient et je me trouvais démunie face à mon ancien agresseur. Je redevenais sa victime. Ma louve avait beau gronder et s'énerver à l'intérieur, je n'arrivais pas à réagir.

— Je n'ai jamais pu supporter les filles dans ton genre qui me prennent de haut. Je n'ai qu'une envie, c'est de les mater.

Il me plaqua contre lui et glissa sa main le long de mon cou, descendit jusqu'à ma poitrine, ses prunelles brillant d'une lueur qui ne laissait aucun doute sur ses intentions. Épouvantée, j'étais prise au piège de ma panique. Je ne pus que fermer les yeux de toutes mes forces en espérant qu'il disparaisse. Son souffle me balaya le visage alors que la peur se déversait en moi, m'engloutissant littéralement. Je n'allais pas tarder à me trouver mal. Sa bouche humide effleura mon cou tandis qu'il me tirait les cheveux.

Subitement, je fus libre, un bruit sourd me faisant reprendre contact avec la réalité. Déstabilisée, je faillis m'écrouler par terre, mais un bras solide me retint alors que Julian s'était recroquevillé à mes pieds en geignant. Je tremblais comme une feuille. Je me retrouvais attirée en arrière.

— Aylyn. Ça va ?

Cette voix inquiète et vibrante d'une rage contenue... Je me tournais vers lui, laissant refluer les vagues de peur. Il était là. Mes mains agrippèrent le tissu de sa veste. Je me gorgeais de son odeur. Alors que je le serrais avec désespoir contre moi, je sentais la tension qui crispait le moindre de ses muscles. Il bouillonnait de fureur et n'était pas loin de se transformer et d'égorger l'homme qu'il venait de mettre à terre. Je ne pouvais pas le laisser faire même si Julian méritait amplement son châtiment. Celui-ci justement se relevait. Essuyant sa lèvre fendue, il fixa avec animosité Arenht.

— T'es qui toi ? On était en train de fêter nos retrouvailles. On est des vieilles connaissances elle et moi, continua-t-il à débiter en osant afficher une moue entendue. Ta copine avait l'air contente de me revoir et...

Une main refermée autour de son cou l'empêcha de poursuivre. Les traits marqués par une fureur dévastatrice, Arenht, après s'être dégagé de mon étreinte, venait de l'empoigner à la gorge, bien décidé à le faire taire définitivement. L'affolement finit par se lire dans les yeux de Julian alors qu'il luttait pour aspirer de l'oxygène, incapable de faire lâcher son agresseur.

— Sale enfoiré, tu vas regretter d'avoir posé les mains sur elle, rugit celui-ci en le soulevant.

— Arenht, laisse-le.

Même si les mots m'écorchaient la bouche, hors de question qu'Arenht ait sa mort sur la conscience. Il le relâcha. Julian s'écroula, sur le sol. Les poings serrés, mon homme respirait brusquement. Je m'approchais doucement de lui, l'enlaçais, me plaquant contre son dos.

— J'aurais dû...

Il inspira profondément pour reprendre ses esprits.

— L'envie de lui ôter la vie ne me manque pas. Si je n'étais pas arrivé à temps...

Je réprimais la nausée qui montait en pensant à cette éventualité. C'était terminé. Il ne me ferait plus jamais de mal. Arenht se retourna, plongeant son regard dans le mien. Sa main vint se poser sur ma joue.

— Merci, lui murmurais-je.

J'étais soulagée qu'il n'ait pas commis l'irréparable.

— J'ai cru devenir fou quand je l'ai vu te toucher. Tu avais l'air si effrayée.

La douleur éraillait sa voix. Ma tête près de son cœur, j'en écoutais l'écho résonner en moi.

— J'aurais pu le repousser, mais j'étais paralysée. Comme à l'époque.

— C'est fini maintenant.

Ses mains caressaient mes cheveux en un mouvement apaisant. Les tremblements avaient cessé. Je ne pensais plus qu'à sa chaleur qui m'enveloppait, rassurante, effaçant la présence de Julian.

— Tu as récupéré tout ce dont tu avais besoin ? s'enquit-il en changeant de sujet.

Je hochais la tête avant de désigner la valise.

— Ça va aller ?

— Oui. On peut y partir maintenant.

Je ne pus m'empêcher de jeter un dernier regard vers le corps inanimé étendu à terre. Puis je me dirigeais vers le véhicule, laissant derrière moi tout un pan de mon passé.

Protège-moi  - T.2: L'Alpha [ Terminé ]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant