Chapitre 15.2

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Dans le hall des urgences du Toronto General Hospital, je me retins de sortir précipitamment. Je me forçais à continuer mon avancée, le regard sur le sol et non sur tous ces inconnus à l'aspect maladif. Quelle idée franchement de se faire embarquer par les secours... Je devais me dépêcher de trouver où ils l'avaient emmené en priant pour que les résultats de ses analyses ne soient pas encore édités. Je ne préférais pas savoir ce qu'ils penseraient en les voyant. M'armant de courage, je pénétrais plus avant dans cet enfer saturé de désinfectant. Suivant les panneaux indicatifs, j'arrivais jusqu'au bureau d'accueil. Je devais lutter contre la sensation d'étouffement due à la panique latente. Affichant un pâle sourire à la femme derrière l'îlot de bois clair, je lui demandais des nouvelles concernant le jeune homme. Elle parcourut le fichier informatique et me donna le numéro de la chambre dans laquelle on l'avait installé. Elle me rassura aussi sur son état. Malgré la gravité de ses blessures, il s'en sortait plutôt bien. Je retins une grimace ironique. Avec son sang de loup-garou, sa guérison devait paraître miraculeuse à leurs yeux vu la quantité d'hémoglobine qu'il avait perdu. La remerciant, je me dirigeais vers la chambre en question.

Alors que je parcourais les longs couloirs uniformes, je pestais contre ma malchance légendaire. J'essayais d'ignorer l'odeur infecte, fermant mes sens comme je le pouvais sans défaillir. Ne surtout pas me retrouver en tant que patiente ici, ça serait le comble ! Dans ma tête, je commençais à dresser la liste des réprimandes auxquelles Sheren n'échapperait pas. Cela eut le mérite de focaliser mon attention sur autre chose. Enfin, je me trouvais devant le numéro que l'on m'avait transmis. Je toquais légèrement à la porte. Un grommellement me répondit. Tout lui ! Il arrivait encore à râler alors que j'avais plus de raisons de faire preuve de mauvaise humeur. Ça lui apprendrait à se battre dans une rue passante. J'entrais de mauvaise grâce avant de refermer derrière moi. Un coup d'œil dans la direction du lit me suffit pour constater qu'il allait bien. Il eut le toupet de me sourire et de me lancer un « Salut Lynee ! » qui me hérissa instantanément. Ma main me démangeait. Il méritait vraiment que je lui envoie un bon coup sur la tête pour lui remettre les idées en place.

— À ce que je vois, tu n'as pas l'air mourant.

Il se redressa en tapotant l'oreiller derrière lui.

— Ouais, je ne suis pas trop mal traité ici. Après, on est pas dans un trois étoiles non plus.

Serrant les dents, je retenais mes remarques acides.

— Et t'en aller ne t'est pas venu à l'idée ? J'ai dû me déplacer pour sortir tes fesses de là. Je te jure Sheren, parfois tu me donnes des envies de meurtre.

— J'adore quand tu t'énerves ma belle, eut-il l'audace de susurrer. Tu pars au quart de tour.

— Arrête tes gamineries et quittons cet endroit.

— Ah oui, c'est vrai. Ta phobie des hôpi... Aïe ! Non, mais ça va pas ? Frapper un pauvre convalescent.

— Ouvre encore une fois la bouche et tu auras vraiment une raison de rester dans ce lit.

Au moins, cela avait eu le don de faire redescendre un peu mon énervement.

— Alors ? Pas encore debout ?

— J'arrive, grommela-t-il en s'extirpant de sa couverture.

Une fois sur ses deux pieds je retins un fou rire. D'un coup, il faisait moins le fier. En même temps, étant affublé de la traditionnelle tenue largement ouverte derrière, il eut vite fait de se camoufler avec le drap posé sur le lit. Tout en ricanant, je lui tendis ses affaires qui attendaient, pliés sur une chaise.

— Allez, enfile ça.

Une fois qu'il fut habillé de manière plus conventionnelle, nous avançâmes vers le couloir. Aucun médecin ou autre personnel soignant en vue, nous disposions d'une fenêtre de sortie.

Une porte de secours donnait sur un escalier de service. Je le poussais dans cette direction. Mieux valait éviter de passer dans le hall d'entrée et de recroiser la femme à l'accueil. Elle aurait tôt fait de reconnaître celui avec qui je m'en allais. Sheren suivait le rythme malgré une légère faiblesse qui subsistait et ralentissait ses réflexes. Une volée de marches plus bas, le panneau luminescent indiquait la sortie. Nous débouchâmes sur le parking souterrain. Un soupir de soulagement m'échappa. Arenht et Trenan devaient nous attendre non loin de là, prêts à nous évacuer. Avançant jusqu'au pilier du fond, j'aperçus le véhicule sombre.

Malgré ses airs de fanfarons, l'aide de son meilleur ami ne fut pas de trop à Sheren pour se hisser à l'intérieur de la voiture. J'étais rassurée que cela se soit passé sans incident. Une fois éloignés du centre, ces amis ne tardèrent pas à le charrier, relâchant ainsi la tension de ces dernières heures.

Au moment de descendre du véhicule, Sheren m'attrapa par le bras. Surprise, je laissais mon homme me dépasser, attendant de voir ce qu'il me voulait. Il se passa plusieurs fois la main dans les cheveux et devant la bouche avant de marmonner un « merci ». J'eus juste le temps de lui sourire qu'il me lâchait et sortait aussi sec. Je rejoignis Arenht non loin.

— Il t'a remercié, c'est ça ?

Je hochais la tête avant de me nicher contre lui. Après toutes ces émotions, je ne rêvais que d'être seule avec lui. Dès le lendemain, nous repartions pour le Complexe. Retrouver un peu d'intimité ne serait pas du luxe.

Protège-moi  - T.2: L'Alpha [ Terminé ]Where stories live. Discover now