Chapitre 27.2

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Ils me forcèrent à reculer jusqu'au mur, m'acculant telle une bête sauvage. L'un d'entre eux vint me saisir à la gorge, un horrible rictus à la bouche. Ma main tâtonna vers ma ceinture, effleurant le manche de mes lames. Grognant sous la douleur, je tentais de les saisir du bout des doigts. Encore un petit effort. Mon assaillant prenait visiblement un malin plaisir à m'asphyxier. Il s'approcha jusqu'à se retrouver à quelques millimètres de moi, son haleine venant me balayer le visage. Une grimace de dégoût tordit mes lèvres.

— C'est qu'elle est pas mal dans son genre, on pourrait s'amuser avec elle avant de la livrer. Maintenant que son copain est hors course...

Quelque chose éclata en moi, libérant un torrent de fureur. Mon regard se voila, l'obscurité m'aveuglant une seconde à peine avant que la vision me revienne, d'une netteté incroyable. Avant d'avoir compris ce qui m'arrivait, je plantais mes lames dans le corps massif pressé contre moi. La pression sur ma gorge disparut dans le même temps. J'enchaînais les coups, zébrant l'air de mes lames à l'acier empourpré. Quand il s'affaissa, je passais au suivant, m'acharnant sur leur corps. Les trois hommes gisaient à présent sur le sol, se vidant de leur sang par les nombreuses entailles que j'avais imprimé dans leur chair. Plus un bruit. Un silence lourd, brumeux s'étendait dans la pièce. Je lâchais les lames, le sang poissant mes mains. Je ne ressentais rien, qu'un grand vide à l'intérieur alors que je regardais sans les voir vraiment les corps mutilés à mes pieds. La sauvagerie m'avait quitté aussi soudainement qu'elle m'avait envahi. Il ne subsistait qu'un goût amer et métallique dans ma bouche. Baissant les yeux sur mes mains, je pris conscience du tremblement qui les agitait. Tombant à genoux, je laissais les larmes couler le long de mes joues sales. J'étais sous le choc. C'était moi à l'origine d'un tel carnage? J'avais du mal à respirer, l'air refusant d'entrer dans mes poumons. La bouche entrouverte, je luttais contre l'asphyxie. La panique bloquait mes muscles. Ma louve prit le relais. Sans en être l'initiatrice, je me transformais, avant de m'écrouler dans les flaques de sang. L'odeur métallique emplit mes narines alors que j'inspirais enfin. Encore déboussolée par le massacre perpétré de mes mains, je m'éloignais rapidement de ce spectacle. Je devais retrouver Arenht. Je ne pouvais pas croire qu'ils aient réussi à l'avoir.

C'est dans un état d'hébétude totale que je me retrouvais dehors. Aucune idée du chemin que j'avais emprunté pour sortir de ce dédale de couloir, ni comment j'avais réussi à ne croiser aucun garde sur ma lancée. Ma louve avait réagi instinctivement, passant en mode survie. Sur le moment il n'était plus question de stratégie ou de mission, juste sortir de cet enfer sain et sauf. Les pattes légèrement tremblantes sous l'effet de l'effort intense que nous venions de fournir, nous fûmes accueillies par une averse. Je repris forme humaine en frissonnant. Hagarde, je promenais mon regard sur le paysage désert entourant l'usine. Arenht... Par où commencer les recherches ? Une fulgurance me traversa, sorte d'accès de rage fugace. Le même sentiment de férocité qui m'avait pris à la gorge alors que ces hommes m'attaquaient. Pas le temps de m'attarder sur cette impression étrange. A travers le rideau aquatique, je distinguais soudain des silhouettes en mouvement. Elles se dirigeaient vers moi. Trois hommes de main du Groupe L. La colère enfla de nouveau, vague brûlante me faisant perdre le contrôle de moi-même.

Ma soif de sang était aussi houleuse et puissance que l'élément se déchaînant autour de nous. Ils durent voir la flamme briller dans mes yeux car ils esquissèrent un pas en arrière, furtif mais qui n'échappa pas à ma louve. Je bondis, ne leur laissant aucune échappatoire. Ma rage me happait dans un tourbillon de violence et ma vision se teintait d'un rouge de mauvais augure. Je sentis mon esprit basculer. Je n'étais plus que muscles, os et chair tendus vers un seul point, vers une seule cible. Ma main agrippa la gorge d'un des agents et serra avec force. Un gargouillis jaillit de sa bouche alors qu'il s'étouffait, se débattant violemment. Ma prise se relâcha dès qu'il se raidit avant de devenir aussi flasque qu'un pantin. Un de moins, au suivant. Celui-ci puait la peur à plein nez. Un gémissement de frayeur retentit mais qui ne m'arrêta pas. Elimination. Je le plaquais contre le mur à moitié affaissé. Ses yeux roulaient dans leur orbite sous l'effet d'une terreur intense. Il était à la limite de me supplier de le laisser vivre. Il ne le pouvait pas faute de voix. Un coup dans l'estomac le fit se plier en deux. Mon genou remonta violemment vers son aine. Un cri perçant monta vers le ciel avant qu'il ne s'écroule. Une de mes lames termina le travail. J'en essuyais le sang sur ma veste. Vengeance.

Obscurément je me sentais différente, comme détachée de moi-même mais je n'étais pas capable d'approfondir le sujet. Tout ce qui subsistait c'était cette froide détermination à exterminer le moindre obstacle sur mon passage. Pas le moindre remords pour les vies ôtées. J'en étais arrivée à un point où je fonctionnais en mode pilote automatique, conscience éteinte et rage au maximum. Replaçant mes armes dans leur étui, j'enjambais les cadavres fraîchement tombés, mes chaussures claquant allégrement sur le macadam souillé. Tout ce que je retins de la scène avant de la quitter fut la pluie martelant le sol et entraînant avec elle des traînées pourpres.

Protège-moi  - T.2: L'Alpha [ Terminé ]Where stories live. Discover now