Chapitre 14.2

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Je finis par détourner le regard. La fenêtre était bien trop haute pour distinguer quoi que ce soit. Pour ce qui était de la distraction, c'était raté. De temps en temps, mon regard glissait vers mon homme, mais je le déviais aussitôt. Ce n'était vraiment pas le moment d'avoir envie de lui sauter dessus. Des bruits de pas. Un énième groupe de fêtards traça son chemin de façon sinueuse vers nous. Là encore rien d'intéressant pour nous. Alors qu'ils s'éloignaient dans une rue adjacente sans nous prêter attention, Arenht sortit de son immobilisme et s'approcha de moi. Son bras vint se glisser au creux de ma taille et il m'emmena.

— On a terminé notre ronde ? m'enquis-je sans trop y croire.

— On change de secteur. Apparemment, ils n'ont pas l'intention de venir traîner par ici ce soir.

— Au moins, je vais pouvoir me dégourdir un peu les jambes.

— J'y compte bien. Tu allais finir par me rendre fou à bouger toutes les dix minutes.

— C'est facile pour toi, c'est ton boulot de surveiller dans l'ombre. Moi je suis novice.

Il m'attira contre lui avec un sourire.

— Il faudra que je t'apprenne à travailler ta patience.

— Tu peux toujours essayer !

— J'y compte bien et tu seras étonnée du résultat.

Sa bouche survola ma joue avant de se poser sur ma tempe. Un frisson courut sur ma peau.

— Allez, encore une zone à surveiller avant de pouvoir rentrer chez nous.

— Loin d'ici ?

— À quelques blocs. C'est un quartier réputé pour être très fréquenté dès le soleil couché. Il comporte des ruelles où les expériences du groupe L pourraient s'en donner à cœur joie.

Deux ombres décampèrent à notre arrivée. Malgré notre approche furtive, ils avaient flairé notre venue. Ils n'étaient pas partis sans laisser de traces malheureusement. Leurs victimes gisaient parmi les déchets renversés sur le sol. Les deux hommes sortaient probablement d'une boîte de nuit des environs et avaient croisé leur route. Arenht m'arrêta d'un geste.

— Il y en a un qui respire encore.

Il s'approcha et ses lèvres se tordirent de dégoût.

— Il n'en a plus pour longtemps vu ses blessures. De vraies bêtes sauvages.

Je pris le risque de voir par moi-même l'état de ces hommes. Je m'en mordais les doigts aussitôt. La vision de leurs gorges déchiquetées d'où jaillissait un flot de sang d'un rouge sombre s'imprima violemment sur mes rétines. Je me détournais aussitôt, le cœur au bord des lèvres. Mon partenaire s'occupa d'abréger les souffrances du survivant avant de revenir vers moi. Un bruit nous fit tourner la tête de l'autre côté de la ruelle. Leur odeur nous parvint aussitôt.

— Deux loups. Je m'en occupe, me dit-il. Mets au courant Antonh. Je reviens dès que possible.

Pas le temps de le retenir. Il se métamorphosa et partit aux trousses des deux loups. Je le regardais s'évanouir dans le dédale des ruelles. Suivant ses instructions, j'alertais l'autre équipe de notre localisation. Il se chargerait de faire disparaître les corps. C'était un moyen de réduire les morts trouvées par les humains et de contenir la montée du péril. Je pouvais comprendre la réaction des citadins en découvrant les corps semés un peu partout dans les rues qu'ils arpentaient. Je n'avais qu'à fermer les yeux pour que s'affiche aussitôt l'image sanglante des corps mutilés sur lesquels nous étions tombés.

Il n'était toujours pas réapparu quand Antonh et Trenan me rejoignirent.

— Alors, qu'est-ce qu'on a là ?

Je montrais à Trenan le corps sans vie que j'avais pris soin de cacher derrière le tas d'ordures. Cette précaution était nécessaire pour éviter que quelqu'un me voie en compagnie des hommes fraîchement attaqués. Mieux valait éviter les explications pénibles qui auraient pu s'ensuivre. Je me voyais mal faire croire à une agression qui avait dégénéré. La gorge arrachée de la victime ne collait pas vraiment et on ne voulait surtout pas de témoins hystériques.

Ils observèrent le cadavre en fronçant les sourcils.

— Pas de doute sur le tueur. Vous avez eu le temps de le voir ?

— Non, malheureusement. Ils ont décampé quand nous arrivions. Leur ouïe n'est pas mauvaise du tout. Arenht est parti sur leurs traces.

— Bon, on va s'occuper de celui-là en attendant. Antonh, prends ses pieds.

Ils avaient garé leur véhicule juste devant la ruelle et n'eurent qu'à le charger dans le coffre, en le recouvrant au préalable d'un grand sac plastique.

— Faudrait pas qu'il salisse le coffre non plus, justifia le maître d'armes avec un sourire en coin. Vu le nombre de macchabées que l'on doit transporter en ce moment, vaut mieux prendre des précautions.

— Je lui ai envoyé un message pour le prévenir que nous rentrons avec toi, me prévint Antonh.

— Mais son portable risque de sonner alors qu'il est sur leurs traces !

— Ne t'inquiète pas. En mission, il le met automatiquement en silencieux. Je préfère qu'il ne se fasse pas de souci te concernant. Allez, viens.


Protège-moi  - T.2: L'Alpha [ Terminé ]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant