CHAPITRE 54

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J'ai évité mon père tout le reste du weekend, ou peut être que c'est lui qui m'a évité. Bien que notre nouvelle maison soit petite, dimanche elle m'a paru beaucoup plus grande, à croire qu'il y avait des mètres carrés supplémentaires ou des pièces cachées derrière les murs pour ne pas se croiser une seule fois. 

Lundi au petit déjeuner, la cuisine est l'unique espace de vie qui nous réunit dans le but de nous restaurer. Le nez plongé dans ma tasse, j'épie mon père du coin de l'œil qui survole un journal, sans vraiment si intéresser. Affronter son silence est la pire épreuve qu'il m'a été donné de faire. Je me sens comme un pou sur la tête d'un enfant, invisible mais pourtant très gênant. Son ignorance me coupe l'appétit, et c'est avec une boule au ventre que je rejoins mon bus.

« Je suis vraiment désolée papa »

Ce matin, mes cours me prennent la tête, ma concentration est au ralenti et ma bonne humeur n'est pas au beau fixe. A la pause déjeuner, je commande un club sandwich au thon mayonnaise avant de me caler au fond du réfectoire. Mes écouteurs sur les oreilles, j'apprécie la douce voix de Sam Smith. Je croque une bouchée dans mon sandwich mais le goût du thon m'écœure, je recrache le tout dans une serviette et repousse mon plateau loin de mon visage. Il me semble bien que la préparation n'est pas fraiche, décidément c'est bien ma veine, de toute façon, je n'ai pas faim !

« Papa, si la télépathie fonctionne, je suis désolée »

Mardi. Je préfère faire ma sauvage en me cachant au fond de l'amphi pour suivre mes cours. J'ai le moral dans les chaussettes et je suis de très mauvaise humeur. Quand enfin arrive l'heure du déjeuner, je me rue à la cafétéria avec une faim de loup. Les désagréments du week-end m'ont mis à la diète, mais aujourd'hui, mon estomac me le fait savoir en criant famine.
Midi, l'heure de pointe, et le self-service affiche déjà salle comble, invitant les étudiants à patienter dans une queue de dix mètres de long, dont j'en fais partie. Il fait chaud, bien trop chaud, les gens me collent, les odeurs de transpirations me fond tourner la tête et le brouhaha ne fait qu'accentuer mon mal-être. Je suis bousculée, pratiquement piétinée pour atteindre le buffet qui semble inaccessible. C'en est trop, je suffoque. Tout se mélange, s'assemble, se dédouble, je tends une main de détresse devant moi pour avoir du soutien, mais...  Et puis, ...plus rien.

- Mademoiselle, mademoiselle, vous m'entendez, ouvrez les yeux, dit une voix féminine à mon oreille.

- Hummm qu'est-ce qu'il s'est passé ?

Péniblement, je cligne des yeux pour m'aperçois avec horreur que je suis allongée sur le sol de la cafeteria. Dans un bond, je me ressaisi pour retomber aussitôt sur mes fesses. Lasse, je reste à terre, prisonnière d'un corps affaibli. Je suis la bête de foire que tout le monde observe du coin de l'œil, quand la cantinière s'enquière de mon état avant de faire prévenir l'infirmière de la fac.
Enfin stable sur mes jambes, je suis escortée par deux étudiants jusqu'à l'infirmerie, où je m'allonge sur la table d'examen. Je me sens un peu perdue.

- Bonjour, mademoiselle Heaton, c'est ça ?

- Oui, bonjour. 

- Avez-vous des problèmes particuliers pour avoir perdu connaissance ?

- A vrai dire non, mais depuis plusieurs jours je m'alimente mal, je suis un peu contrariée et plus rien ne passe. A midi quand enfin la faim me vient, c'est mon corps qui me lâche.

- Au moins vous êtes consciente que c'est à cause de votre sous-alimentation. Je vais quand même vous prendre la tension, dit-elle en me passant un tensiomètre autour du bras. Hum hum, vous avez une tension plutôt basse. Vous devriez consulter votre médecin traitant et faire une prise de sang de contrôle, je pense que vous êtes anémiée. Je suis sûre que vous faite partie de ces filles qui se tuent au travail et qui ne prennent pas le temps pour elles. Il faut lâcher du lest de temps en temps mademoiselle !

Santana partie 2Where stories live. Discover now