CHAPITRE 55

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Ma triste réalité à fleur de peau, j'affronte cette nouvelle journée dans le mensonge absolu. Jeune étudiante des bas quartiers, je poursuis mon cursus universitaire comme à la normale des autres. Sauf, que je ne fais plus partie de ces filles dont l'insouciance est aveugle. Assise derrière mon pupitre, je suis l'anomalie qui dénote dans le tableau, le fruit pourrit dans le panier, celle qui s'est faite engrossée.

Certaines erreurs peuvent être gommées, d'autres peuvent disparaitre à jamais. Alors c'est sans hésitation quand fin d'après-midi, j'appelle mon gynécologue pour noter mon prochain rendez-vous pour lundi. Encore trois jours et je retrouverais ma liberté.  Mon infamie, je la cache sous un sourire quand je rends visite à Vincenzo, puis j'en fais totalement abstraction quand je me présente à mon cours de danse. 

- Alors ma belle, que t'a dit le médecin ? m'interroge Gabrielle dès mon arrivée.

- De manger équilibré, dis-je sans honte.

- Tu es sûre de pouvoir danser ce soir ?

- Gaby, ne t'inquiète pas je vais beaucoup mieux.

Mon amie rentre facilement dans ma supercherie, en m'offrant tout de même des minutes de pause supplémentaires entre chaque repos. J'accepte volontiers ses passedroits pour boire à grandes gorgées ma bouteille d'eau.

- Bébé qu'est-ce que tu fais là ? me demande Sony qui vient de se matérialiser dans mon dos.

- Comment ça qu'est-ce que je fais là ? Comme d'habitude, je danse !

- Ma puce, tu es enceinte, tu te souviens ?

- Oui Sony, je m'en souviens très bien puisque tu es là pour me le rappeler ! dis-je avec ironie.

- Eh vous deux, ça ne vous dérange pas qu'on travaille ici ? nous crie Gabrielle de l'autre côté de la pièce.

-  Pardon Gaby, je prends une pause, je reviens. 

Rapidement, j'attrape l'indésirable par le coude pour nous entrainer hors de la salle de danse et nous retrouver dans celle de boxe.

- Sony, tu m'as dit que tu me laissais un peu d'espace, tu t'en rappelles ?

- Oui, mais pas au détriment de mon enfant.

Déjà blasée par cette discussion, je lève les yeux au ciel en prenant une profonde respiration. Parfois, il est préférable de taire certains problèmes pour supporter au mieux notre quotidien. Par exemple : monter le son de son autoradio quand le moteur de sa voiture fait un bruit étrange ou ignorer sa boite aux lettres afin de ne pas ouvrir les courriers indésirables. Repousser l'inévitable le temps d'une trêve pour appréhender au mieux le jour culminant. Certaine personne appelle ça : se voiler la face, moi je le vois plutôt comme de la survie.

- Je suis enceinte, pas malade.

- Sam a arrêté la danse, elle !

- Car Samantha a fait une hémorragie, moi, je vais bien, alors pitié arrête.

- Tu as réfléchis ?

- Evidement !

- Et ?

- Et je n'en veux toujours pas.

- Victoria, tu... me... petes... les... couilles ! dit-il en pointillant mon front de son index accusateur.

« Il n'a pas osé me parler comme ça ? Si ! »

Sur cette charmante phrase pleine d'amour, il tourne les talons d'un pas énervé.

- Eh ! Reviens ici, je t'interdis de me parler comme ça !

Santana partie 2Waar verhalen tot leven komen. Ontdek het nu