La maladie d'amour

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- À ce soir, Pierre. N'oublie pas de demander au cocher de déposer mes bagages chez moi.

Après un signe de la main à la voiture qui reprenait sa route, Delacroix poussa la porte du bâtiment et entreprit d'en monter les marches. Voilà un mois qu'il avait quitté Paris pour un voyage qui ne devait durer que quelques jours, et il était maintenant ravi de retrouver la capitale.

Et surtout de retrouver son ami, qu'il n'avait pas vu depuis autant de temps. Il se demanda s'il était en bonne santé, et si les enfants de leur amie ne l'avait pas trop malmené. Il se rassura, car après tout, s'il avait eu des problèmes, il aurait écrit.

Arrivé devant la porte, il frappa quelques coups. Il attendit un court instant, et la porte s'ouvrit enfin.

- Bonjour... oh, Eugène, c'est vous.

Il nota son manque d'entrain, et pensa qu'il aurait été plus heureux de le voir. Après l'avoir mieux observé, il remarqua que ses yeux étaient rouges, et son nez coulant. Avait-il encore attrapé un rhume?

- Tout va bien? Mon petit Chopin, êtes-vous encore tombé malade?

- Ce n'est rien. Vous êtes revenu à Paris, dites-moi.

- Oui, le Salon se tient dans quelques jours. Notre amie s'est décidée à revenir avec moi, et vous invite chez elle ce soir. Vous pourrez ainsi lui ramener ses enfants. J'espère par ailleurs qu'ils ont été sages.

Chopin s'essuya les yeux, fuyant son regard.

- Je... Je vois. Elle aurait pu m'avertir de son retour... Enfin, faites-lui savoir que je suis reconnaissant de son invitation, mais qu'aujourd'hui j'y suis indisposé.

Là, ce n'était vraiment pas habituel. Certes, son ami n'avait jamais été des plus enjoués avec lui, mais de là à se montrer si désintéressé...

- Comment cela?

- Solange et Maurice ne sont pas ici, l'informa-t-il en évitant sa question. Ils sont avec Franz au théâtre, et ne reviendront que ce soir. Je vais vous donner le nom du lieu et de la pièce, ainsi vous pourrez les y rejoindre.

À ces mots il retourna dans son appartement, permettant au peintre d'entrer. Celui-ci referma la porte derrière lui et le suivit jusque dans son salon, un air inquiet au visage. Il l'observa noter rapidement quelques mots au crayon sur un papier.

- Mon cher, vous me semblez bien faible. Avez-vous à nouveau attrapé quelque maladie? Si tel est le cas, alors retournez vous coucher, car je m'en voudrais de troubler votre repos.

- Vous vous méprenez.

Il prit le bout de papier, toujours soucieux.

- Pourtant, votre physionomie est bien pâle...

Il n'eut aucune réponse. À la place, il crut entendre des larmes étouffées. Le voyant dos à lui, il s'approcha et lui mit sa main sur l'épaule.

- Allons, dites-moi et je m'en irai...

Le jeune homme se tourna vers lui, et contre toute attente, fondit en larmes. Alerté, Delacroix le prit dans ses bras, ne sachant trop comment réagir.

- E-Enfin, aurais-je dit quelque parole qui vous aurait blessé?...

Chopin s'accrocha à lui, bégayant dans ses sanglots des mots qu'il ne comprit pas.

Impuissant face à cette étrange et inattendue situation, Delacroix se contenta de le serrer, dans l'espoir de le voir se calmer et d'être enfin éclairé.

Il finit par le relâcher, et tout en reposant une main sur son épaule, le mena jusque dans sa chambre. Chopin se laissa porter, les yeux pleins de larmes mais hoquetant pour ne pas éviter d'en laisser échapper d'autres.

La mélodie des sentimentsWhere stories live. Discover now