L'été dernier à Poturzyn

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Juillet 1830

- Allez, plus vite, Tytus!

Transpirant, à bout de souffle, le jeune homme releva la tête vers son partenaire, qui lui faisant de grands signes en riant. Mais où diable trouvait-il cette force? En hiver, il pouvait être cloué au lit des semaines, mais dès qu'arrivait l'été, il était intenable.

- Attends-moi... grogna-t-il en avançant difficilement.

Le chemin n'était pourtant pas des plus ardus. Aucune pente, aucun chemin boueux... C'était même le contraire, des champs à perte de vue, et des chemins de terre séchée par la canicule. Pourtant, un été chaud en Pologne n'était pas fréquent. Ce n'était pas rare, mais en vérité il pouvait faire tout aussi chaud que froid, selon les années. C'était la roulette russe. Bien que les russes furent la dernière chose à laquelle il voulait penser en ce moment...

Il jeta un œil à Fryderyk, qui continuait de marcher sans l'attendre. Son caractère si enjoué l'attendrissait. Mais il savait aussi qu'il n'arborait cette joie de vivre qu'en sa présence. S'il n'était pas à ses côtés, le jeune homme dépérissait, et il le noyait sous les lettres d'amour languissant. Il se souvint, quelques jours auparavant, comme il lui avait sauté dans les bras, en gémissant qu'il avait quitté Varsovie pour le rejoindre à son domaine en campagne car il ne pouvait se passer de lui.

Cet amour lui réchauffait le cœur, mais il se demandait si c'était au fond une bonne ou une mauvaise chose. Il savait que dans l'avenir, cet attachement lui portera préjudice. Mais il ne préféra pas y penser.

- Kochanie ! Allez, dépêche-toi !

Comment faisait-il pour marcher autant, et être autant en forme, avec ce corps si svelte, ces jambes si fines? Ces champs sans fin, ils les traversaient depuis ce matin. C'était la dernière fois qu'il lui proposait une randonnée... il préférait ces moments passés au chaud dans leur lit, près du piano ou dans son jardin.

Il finit par le rejoindre, à bout de souffle, et en profita pour s'écrouler sur lui. Bien fait.

- Hé! Tytus, tout va bien...? S'inquiéta-t-il en le rattrapant.

- Je n'en peux plus de cette affreuse chaleur... gémit-il. Nous ne sommes pas en Pologne, nous sommes en Afrique!

- Allons, reprends-toi. Viens donc t'asseoir.

Près du chemin qu'ils traversaient était disposée une allée d'arbres, peu hauts mais aux épais feuillages verdoyants qui couvraient le sol d'ombre. Il le guida sous l'un d'eux, et aussitôt qu'ils furent assis contre le tronc, Tytus s'affala sur son partenaire. Reprenant son souffle de son mieux, il glissa sa main dans la sienne, et il ne put nier que ce simple geste était agréable et rassurant, et lui faisait quelque peu oublier les douleurs qui circulaient dans ses jambes et ses pieds.

Fryderyk tâta son front, et ses joues, étonné de le voir si réchauffé.

- Mon pauvre, le Soleil n'est pas tendre avec toi.

- C'est toi qui n'es pas tendre avec moi. J'ai des courbatures partout. Mais tu es mon Soleil... alors tout s'explique. Comme lui, tu m'éblouis, de par ta beauté et ton caractère.

- Tu exagères. Allons, repose-toi. Il n'y a pas l'air d'avoir de ruisseau non loin... remarqua-t-il, un peu déçu.

- Hm...

Un silence prit place, ou du moins si l'on pouvait le nommer ainsi : car bien qu'ils ne parlèrent plus, les oiseaux chantaient de tous côtés, et l'on percevait le sourd bourdonnement des abeilles butinant les quelques fleurs sauvages.

La mélodie des sentimentsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant