Admiration

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- Meritis? Puis-je entrer?

Schumann se tint devant la porte du bureau, attendant sa réponse.

- Tu es prié de me nommer Herr Mendelssohn-Bartholdy ici.

Il l'ouvrit en haussant un sourcil, interpellé par cette remarque inhabituelle. Il le trouva assis à son bureau, faisant face à la porte, concentré sur ses papiers.

- B... Bien.

- Oh, ce n'est pas contre toi. C'est seulement qu'il faut faire bonne figure. Tu n'imagines pas tous les élèves et les professeurs qui passent dans ces couloirs. Et je ne parle même pas de tous les membres de l'orchestre. Ah! Je me donne tant de mal, et que ne me compliquent-ils pas tout! Se plaignit-il en se mettant la main au visage.

- Justement, en arrivant, j'ai vu Constantin sortir en pleurant de ton bureau... tout va bien?

- Il jouait mal. J'ai dû le reprendre plusieurs fois. J'en ai eu assez, je l'ai renvoyé. Et je me suis retenu pour les autres.

- Enfin... c'est tout de même une mesure extrême.

- C'est incroyable : ils sont incapables de demeurer synchrones! Ils ont la partition sous les yeux, et pourtant aucun d'eux ne peut la suivre à la lettre et garder le rythme!

- Tu parles comme Hector Berlioz, rit-il. Lui aussi est très exigeant.

Il leva la tête à ce nom.

- Je ne suis en rien semblable à ce stupide idéaliste. Et je ne suis pas exigeant. Ce sont ces dits-musiciens qui sont des incapables. Enfin, ta présence m'apaise l'esprit. Que viens-tu faire ici? Tu viens rarement à l'Opéra.

- Je suis allé éditer le nouveau numéro de ma revue. J'ai réalisé que tu allais bientôt rentrer, et je suis venu te rejoindre pour que l'on rentre ensemble.

- Vraiment? Tu l'as envoyé à l'édition? C'est une excellente nouvelle! Il faut fêter ça. Je t'invite à l'endroit que tu souhaites. Et cela me changera les idées.

- Je serais tenté de t'emmener boire une bière, mais il vaudrait peut-être mieux éviter, sourit-il.

- Oui, ce ne serait pas convenable pour ma position, dit-il en omettant le souvenir qui y était lié. Un café anglais ferait mieux l'affaire. Mais avant je dois ranger tout cela.

Il mit sa main sur son front, lassé à la seule vue des feuilles entassées.

- Veux-tu que je t'aide?

- Non, non, ne t'ennuie pas. Va plutôt t'asseoir. Je n'en ai pas pour longtemps. Je dois seulement rassembler les documents concernant les sommes et revenus des dernières représentations pour les donner à mes secrétaires.

- Tu es bien courageux pour t'occuper de cela, avoua-t-il en s'asseyant sur un petit fauteuil devant la fenêtre, tandis que parallèlement, Mendelssohn se levait du sien pour chercher un ouvrage sur un étagère.

- Je n'ai pas le choix. Voyons, je ne sais plus où Joseph a rangé les derniers comptes... Ah, voilà. Il devra y inscrire les nouveaux.

Il le contempla avec admiration. Son accoutrement était à l'opposé total de celui qu'il arborait chez lui. Il portait ici un costume noir et droit, avec des boutons en or, et une chaîne du même matériau pendant à la poche de sa veste. Son jabot était surmonté d'un camée représentant une femme vêtue à l'antique, une déesse peut-être. Tout en sa tenue reluisait, que ce soit le tissu, les boutons mentionnés ou les chaussures. De plus, il arborait un visage très sérieux, et était très concentré à son entreprise. Il le trouva impressionnant. Il réalisa aussi qu'il avait peu eu l'occasion de le voir ainsi. L'on pouvait donc être si différent dans le privé et le public. Il se demanda s'il en était de même pour lui, car il n'en avait pas l'impression.

La mélodie des sentimentsWhere stories live. Discover now