Les heures rêvées

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Été 1830

- Majesté? Où êtes-vous?

Tytus sillonna le long couloir du manoir, observant à chacun de ses recoins. Il jeta un œil dans l'une des chambres, où trônait une vieille armoire et un lit sans draps, et qui était à sa grande déception, vide. Il réitéra le même geste dans la pièce suivante, mais ce fut le même résultat.

- Majesté...

Il commençait à s'impatienter. Son manoir n'était pas Versailles, mais il était loin d'être modeste. Ses deux étages et ses nombreuses chambres auraient pu loger la cour d'un petit prince. Non, il revint sur ce qu'il venait de penser ; en effet, actuellement, ce manoir était Versailles.

- Majesté, tenta-t-il d'une voix plus forte, Herr Mozart est venu d'Autriche pour vous rencontrer!

C'eût l'effet attendu. Il entendit des pas rapides descendre les escaliers à la hâte - car il était au premier étage - et en un instant plus tard son petit-ami l'avait rejoint. Il était vêtu d'une veste bleu ciel, d'une jolie couleur mais abîmée par du jaunissement et des effilochements.

- C'est impossible. Je suis mort avant qu'il ne se rende à la cour de Vienne. Ou alors il était enfant.

- Quelle importance? Je vous ai trouvé.

Fryderyk mit sa main devant sa bouche et se mit à rire en remarquant l'accoutrement de son compagnon. Il avait revêtu une longue robe mauve qui semblait du siècle dernier, et qui tenait par il-ne-savait quelle miracle autour de sa taille sans craquer. Ses jupons au contraire, semblaient bien trop volantés et spacieux pour être censés se marier à une taille aussi fine.

- Je n'y crois pas! Tu as vraiment mis...

- Il se trouve que mes parents ont laissé des bagages de ma grand-mère dans l'une des chambres... pardon, les parents et la grand-mère du jeune homme qui vit ici, corrigea-t-il d'une révérence et d'un grand sourire.

- Je suis surpris de constater que tu es toujours aussi magnifique. Oui, ma douce, vous ne perdez rien de votre beauté, même avec un vêtement que l'on a peu l'habitude de vous voir porter, dit-il d'un rire, tout en prenant à la fois un air charmeur. Maria Leszczyńska, ma reine, mon aimée, toutes les polonaises sont-elles aussi élégantes que vous?

- Bien sûr ; les polonaises sont les plus belles, et les polonais sont les plus beaux. Mais je conçois aussi que votre Majesté Louis n'est pas en reste, et détient en lui toutes les qualités physiques. Peut-être est-ce là le charme français. Je n'ose imaginer le fruit de l'union d'une française et d'un polonais ; il doit être magnifique.

- J'ai comme l'impression que vous pensez à une autre personne.

- À nulle autre personne qu'à vous. À présent où allons-nous, Majesté?

- Si nous allions visiter les jardins? Proposa Fryderyk en lui présentant son bras. Depuis que mon aïeul les a aménagés, ils font la fierté de la nation entière!

- N'est-ce pas exagéré? Rit-il en prenant son bras.

Il descendirent les escaliers, et traversèrent le hall.

- Rien n'est exagéré pour le Roi de France. Je suis l'incarnation même de l'exagération.

- Votre Majesté devrait faire attention à ne point se confondre avec son aïeul.

- Pourtant il fut un exemple. Mais autant de maîtresses qu'il ait pu avoir, jamais il ne dût rencontrer de femme si belle que vous.

- La beauté est-elle donc la seule chose qui me caractérise?

La mélodie des sentimentsWhere stories live. Discover now