Alhabu al'awal

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Delacroix était émerveillé par tout ce qui l'entourait.

Il était venu jusqu'au Maghreb pour accompagner l'ambassadeur, et était censé le suivre, mais dès qu'il l'avait pu, il l'avait semé. Encore une fois. Puis il devait être plus occupé aux affaires politiques qu'à le chercher, donc peu importe...

Il se mit à déambuler dans les rues de bazar, son carnet de croquis dans une main et son crayon à papier dans l'autre. Il avait envie de dessiner, mais que représenter? Ces cashbah, ces simples mais jolies petites maisons traditionnelles cachées par les étales du souk? Ces palais colorés des anciens gouverneurs turcs que l'on voyait au loin? Cette rue entière, plus animée que n'importe quelle rue qu'il avait jamais vue?

Si seulement il avait sa peinture avec lui. Mais comme un imbécile, il l'avait laissé à ses appartements.

Il était passé dans cette rue des dizaines de fois, et pourtant à chaque fois elle semblait différente. Paris était si calme par rapport à cette ville où l'on criait et chantait à chaque coin de rue. Et les habits, tout comme les demeures, étaient aussi colorés que la palette qu'il n'avait pas.

Finalement, il décida de représenter la ville basse avec l'un des grands palais au loin. Mais pour cela il fallait avoir un bon angle de vue...

Ni une, ni deux, il enjamba une pile de tissus, mit les pieds sur des caissons de bois qui lui firent office d'escalier, se hissa sur les pierres qui dépassaient du mur et enfin s'assit sur le rebord de la grande fenêtre à laquelle il posa son dos. Il sourit, fier de sa petite prouesse, même s'il n'était en réalité qu'à trois mètres du sol. Après tout, il était encore jeune, et son corps ne pouvait pas avoir plus de force et de souplesse.

Il mit son carnet sur ses genoux et l'ouvrit à une page blanche. Il analysa le décor quelques secondes, et se mit aussitôt à dessiner.

Tout en crayonnant, il rit en s'imaginant ce qu'il se passerait si quelqu'un ouvrait la fenêtre contre laquelle il était. Il tomberait en arrière, et quelqu'un crierait de surprise. Cette personne lui crierait dessus en arabe, et il ne comprendrait rien. Ce serait drôle.

- Que faites-vous là-haut, bel étranger?

Cette voix si douce, et ce si bel accent firent sursauter son cœur. Il abandonna son esquisse, qui était déjà bien commencée, et baissa les yeux sur la femme qui l'avait interpellé.

Entre les étales de tissu et de fruits, l'on ne voyait qu'elle. Elle était vêtue d'une tenue rouge et orange vif qui collait à sa peau basanée, mise en valeur par des couleurs si chaleureuses. Ses boucles noires tentaient de s'échapper de son voile rouge et transparent. Il crut faire face à l'une de ces princesses orientales que l'on trouve dans les contes.

- Et vous belle étrangère, où avez-vous appris à parler si bien français? Lui dit-il du même sourire charmeur.

- Je l'ai appris par mon père, qui est un grand commerçant d'épices qui traite avec les français, l'informa-t-elle en croisant les bras. Mais ce n'est pas cela qui m'amène à vous. Non, si je me présente à vous, c'est car vous m'avez volé quelque chose.

- Moi? Volé? Vous devez vous tromper...

- Pourtant je suis sûre que vous êtes le coupable.

- Oser m'accuser, moi, et sans preuve! S'exclama-t-il, incrédule. Je vais aller prévenir votre père de votre effronterie!

- Il ne vous croira pas! Rit-elle.

- Alors je vous emmènerai devant lui avec moi, et vous lui avouerez comme vous avez été impolie devant un étranger!

La mélodie des sentimentsWhere stories live. Discover now