Troublemaker

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Les paysages défilaient comme des toiles de peinture derrière la fenêtre ouverte.

Chopin, qui avait la tête contre celle-ci, s'écarta pour tousser dans un mouchoir qu'il avait sorti au préalable.

La voiture dans laquelle il était installé était tout sauf confortable. Les sièges étaient en bois, sans coussins, ce qui lui donnait mal au dos, et il ne savait ce qui était le plus insupportable entre le bruit des roues sur le chemin montant et terreux ou leur résultat sur la voiture qui, instable, ne faisait que les secouer. Et pour ne rien arranger, tous ces virages lui donnaient la nausée.

À son opposé, Sand, qui était assise en face de lui, semblait amusée par ce parcours, et arborait un sourire ravi aux lèvres.

- J'ai si hâte d'arriver! S'exclama-t-elle, brisant le silence par la même occasion. Je suis sûre que Franz et Marie seront ravis de notre venue! Ils seront surpris, c'est certain, mais je ne suis encore jamais venue en Savoie. Ils exuseront ma curiosité!

Chopin n'écoutait pas. Il s'accrochait au rebord de la fenêtre ouverte dans le but s'inspirer le plus d'air pur possible.

Pourquoi l'avait-il suivie au juste? Ah oui... car il était incapable de lui refuser quoi que ce soit. Tout de même, le plus vite possible, il retournera à Paris. Peu importe la présence de Liszt, les beaux paysages, la capitale française lui était la plus importante. Une ville qu'il connaissait, où il était en paix pour travailler et assez à l'aise. Il avait fui son pays pour se réfugier, pas pour faire des voyages... et ce mot-là, c'était synonyme de maladies, de complications, de danger. Son lit et sa routine étaient bien moins prise de tête. Il était certain que le premier Homme à s'être sédentarisé avait le même état d'esprit que lui. Son amante, par contre, semblait encore avoir gardé la tendance à la vie nomade. Mais que faisaient-ils ensemble? Et où le traînera-t-elle encore?

- Tout de même, c'est aberrant de leur part... partir visiter les Alpes sans même nous prévenir! Râla-t-elle.

- Franz m'avait prévenu, parvint-il à dire d'un souffle.

- Et moi, je suis la journaliste, et je suis pourtant la dernière à qui on apprend les nouvelles! Craignaient-ils que je ne vienne gâcher leur séjour?

Chopin ne répondit rien. Vraiment, il valait mieux se taire.

- Je me demande d'ailleurs si Eugène et les autres sont loin de nous. Quelle idée aussi de prendre deux voitures! Nous aurions pu en prendre une grande pour nous tous. Ou peut-être voulaient-il passer le voyage entre hommes. Au moins toi tu es galant.

Il déglutit. C'est surtout qu'entre passer le voyage seul avec son amante, ou agglutiné à quatre dans une voiture avec des amis qui auraient probablement rit de ses maux, le choix était vite fait.

La roue passa sur un rocher, et la voiture fut encore secouée. Chopin se remit à tousser, comme si ces turbulences amplifiaient son mal. Seigneur, il anticipait mal la descente. Rien que d'y penser, sa nausée lui revenait, faisant d'incessants va-et-vient entre son estomac et sa gorge asséchée.

- Ces maudites routes montagneuses...! Ne peuvent-ils pas construire de chemins adéquats?! Grommela-t-il entre deux toussotements.

Sand lui adressa un regard empathique.

- Mon pauvre amour, tu n'es décidément pas gâté. J'ai l'impression que depuis que nous avons quitté Paris, tes rhumatismes ne font qu'empirer... moi qui pensais que l'air pur des montagnes serait bénéfique à ta santé!...

Ce qui lui était bénéfique, c'était un lit, un piano, un peu de nourriture, et une porte fermée à double tour.

- Peut-être qu'un autre climat te conviendrait, continua-t-elle. Un climat plus chaud et moins humide. Pourquoi pas l'Espagne ou l'Italie? Cela me tenterait bien.

La mélodie des sentimentsWhere stories live. Discover now