Acceptation

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- La majeur.

- Trop prévisible.

- Il n'y a que toi pour trouver cela prévisible! Et tout ce que je t'ai proposé l'est à ton goût. Je ne vais pas tenter de composer ma mazurka en clé d'Ut pour te faire plaisir.

Liszt prit une bouffée de sa cigarette et la souffla.

- Dommage. J'ai pourtant toujours rêvé d'entendre une mazurka jouée au trombone.

- Cette abomination devra attendre ma mort, déclara Chopin en inscivant quelques notes au crayon sur sa feuille.

Tout en affichant un sourire en coin, Liszt contempla le tableau qu'il avait devant lui. Son compagnon était couché sur le lit, à ses côtés, et balançait ses jambes tout en remplissant sa feuille de notes brouillon. Et comme pour le rendre plus divin, la lumière qui traversait les fenêtres venait se poser sur son visage et éclairait son œuvre. Mais le meilleur élément était sans doute son corps dévêtu, seulement couvert d'une épaisse couverture blanche. Mais après tout il n'était pas des plus habillés non plus. Il porta à nouveau sa cigarette à ses lèvres.

- Tu es inspiré.

- C'est parce que je pense à toi.

- Oh. Tu m'en vois flatté.

- Enfin, pas à toi exactement ; je pense à ton jeu. Ton rythme. J'essaie de l'adapter avec les notes qui me viennent, et cela rend un résultat très enjoué.

- Ne perçois-tu pas cet air-là car tu es heureux?

Il haussa les épaules.

- Tu as trop d'espoir.

- Ou peut-être suis-je réaliste, et toi de mauvaise foi.

- Peu importe. Tais-toi, tu me déconcentres.

Son sourire s'agrandit, et il déposa sa main sur son épaule et la fit glisser le long de son bras, ce qui le fit frissonner.

- Laisse-moi travailler...

- Je ne t'en empêche pas.

Il soupira, et reprit son écriture. Mais il frémit à nouveau en sentant sa main glisser sous les couvertures et le long de son dos.

- Franz...! Grommela-t-il.

- Il est assez simple de te déconcentrer.

- C'est toi qui es intenable.

- Je m'ennuie, et ton corps est tentant.

- Trouve-toi une occupation. Tiens, tu n'as qu'à m'aider.

- C'est trop compliqué! Je joue, moi, je ne compose pas.

- Alors tu as vraiment tout dans les mains et rien dans la tête, comme disait Mendelssohn?

- Assez avec ça, grogna-t-il. Tu-

Il s'interrompit en entendant des coups à la porte, qui résonnèrent dans le couloir. Tous deux se regardèrent.

- Qui est-ce? Tu attends quelqu'un?

- Pas à ma connaissance.

- Ne m'as-tu pas dit que Mendelssohn était justement à Paris? S'il vient à nouveau nous déranger, il va m'entendre.

Chopin soupira, et le repoussa pour se lever.

- Laisse, j'y vais. Il vaut mieux, pour éviter une bagarre.

Sans trop de conviction, il attrapa une chemise et un pantalon et les revêtit paresseusement. Il jeta un œil à Liszt qui avait replacé sa cigarette entre ses lèvres et lisait ce qu'il avait inscrit.

La mélodie des sentimentsWhere stories live. Discover now