À nos liens

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- Pierre... en plus d'être lourds, tous ces vêtements ne vont jamais rentrer dans tes bagages!

- Ça va rentrer. Et tu as reçu ton gage, tais-toi et continue de porter.

Delacroix continua d'avancer dans la rue citadine, étrangement animée - sans doute n'étaient-ils pas les seuls touristes. Il poussa un gémissement plaintif, tout en arborant un air désespéré, espérant obtenir un peu de pitié. Malheureusement pour lui, François et Sand, devant eux, ne firent que rire devant son pauvre sort.

- C'est de ta faute, Eugène, lui rappela celle-ci. Tu n'aurais pas dû parier que tu pouvais boire cinq pintes de bière et rester sobre.

- D'habitude, je parviens à tenir! Cette bière-là devait être spéciale.

- En attendant, vous devez rester l'esclave de Pierre jusqu'à ce soir, alors gardez courage, reprit François, ce qui au contraire ne fit que le décourager davantage.

- J'aurais dû rentrer à Paris au lieu de vous suivre, grommela-t-il.

Sand s'arrêta au milieu de la rue, et les arrêta d'un geste du bras.

- Je voudrais me reposer un peu. Allons nous asseoir à un café.

- Non merci, avança Pierre. J'ai encore des vêtements et des accessoires à acheter.

- Qui a besoin d'autant de vêtements...?!

- C'est pour mes rôles, se dédouana-t-il.

- Moi je t'y accompagnerais volontiers, si je le pouvais, assura Delacroix qui ne sentait plus ni son dos ni ses bras après avoir porté ces caisses tout l'après-midi durant.

François finit par avoir pitié de lui, car il posa sa main sur son épaule et lui dit d'un ton assuré :

- Vous avez assez souffert, mon ami. Je vais prendre le relai.

- Vraiment?

- Oui, allez donc vous mettre à l'aise avec notre amie. De plus je dois acheter des journaux. Vous n'aurez qu'à nous rejoindre ce soir à l'hôtel, avant le souper.

Il le remercia plus d'une fois, et lui passa les caisses qu'il avait dans les bras. Dès qu'il eût les mains vides, il s'étira. Cela lui fit un bien fou.

- Ce café anglais fera parfaitement l'affaire, lui dit la jeune femme qui avait probablement remarqué le bâtiment auparavant.

Delacroix regarda un instant les deux hommes les quitter, avant de se tourner vers elle. Elle avait raison, boire un bon thé ou café ne lui fera pas de mai.

- Dans ce cas je te suis.

Ils montèrent quelques marches, au milieu de la terrasse bien occupée, et pénétrèrent dans le café. Ils eurent à peine le temps d'en observer la décoration que l'on vint à leur rencontre. C'était un homme habillé élégamment, d'un veston aussi noir que sa chemise était d'un blanc immaculé, mais dont la moustache proéminente et mal peignée gâchait toute la tenue.

- Monsieur, Madame. Que puis-je faire pour vous?

- Une table pour deux, s'il vous plaît. À l'intérieur, à l'étage et si possible, près d'une fenêtre.

- Voilà une requête bien précise. Suivez-moi, il me semble avoir une table libre qui pourrait vous convenir.

Il suivirent l'homme à l'étage, et en effet, il n'avait pas menti. L'endroit était même très peu peuplé, contrairement à la terrasse extérieure qui grouillait de monde, et les tables près des fenêtres étaient nombreuses. Il les conduit à l'une d'elles, et les laissa s'asseoir.

La mélodie des sentimentsWo Geschichten leben. Entdecke jetzt