Discussion interne

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TW : incitation au suicide et au meurtre.

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- Robert, je pars acheter de l'encre et des feuilles! Je serai revenu dans moins d'une heure. Ne fais pas de bêtises! Ma sœur est chez une amie, mais mes parents reviendront bientôt de l'opéra. Enfin ils ne te dérangeront pas, mais ne t'inquiète pas si tu entends du bruit. À tout à l'heure!

Schumann n'eut pas le temps de lui répondre quoi que ce soit, Mendelssohn avait déjà filé.

Il se reconcentra sur son article. Il l'avait presque fini, pourtant il avait l'impression que tout ce qu'il avait écrit était désuet. Il se massa les yeux. Écrire sur les œuvres de Mozart l'inspirait toujours, pourtant.

"Tu n'es pas digne de les critiquer."

Il sursauta. Cette voix, cette phrase glaçante avait traversé son esprit.

Il secoua la tête. Oui, son imagination était vraiment débordante.

Il se sentit seul, d'un coup. Lorsque Mendelssohn ou Clara étaient auprès de lui, il y avait toujours des rires, une mélodie au piano en fond, des voix qui lui parlaient. Des voix rassurantes, qui lui sussuraient de jolies choses.

Il inspira profondément. Il devait se détendre. L'endroit où il se trouvait était chaleureux. Tout en parcourant la pièce des yeux, il tenta de se souvenir du pourquoi il s'y sentait si bien.

Schumann aimait la demeure de Mendelssohn. Tout d'abord, il y avait une dizaine de pièces, et deux étages, si on ne comptait pas celui des domestiques. Il aimait s'y promener, d'une pièce à l'autre, parfois pour réfléchir. C'était grand, ce n'était pas son petit appartement à deux pièces. Lorsqu'il se baladait dans la demeure, il observait toujours les tableaux des ancêtres accrochés au mur. Son homologue avait de la chance d'avoir un réel héritage...

Puis il parcourait les grandes fenêtres aux rideaux longs et épais, derrière lesquels s'allongeait Berlin. Il contemplait les grandes bibliothèques, aux centaines de livres. La Torah aux bordures dorées, cachée parmi les livres d'histoire et les romans d'amour, faisait partie des ouvrages les plus anciens détenus par la famille. Schumann aimait bien y fouiller, lorsque personne ne pouvait le surprendre. Parfois, il choisissait un livre au hasard, et pour s'amuser, imaginait dans son esprit la mélodie qui lui venait en en lisant ses premières lignes.

Il aimait aussi visiter les cuisines, lorsque l'on y préparait le repas. Chez lui, la sienne était vide et petite, et ses placards ne comportaient que des légumes, car il ne savait rien faire d'autre que des soupes. Ici, la cuisine était immense, les placards étaient remplis, et une douce odeur émanait toujours des délicieux plats que préparaient les domestiques. Lorsque les Mendelssohn l'invitaient à dîner ou à souper, il ne refusait jamais, et avait du mal à ne pas demander à être resservi.

Il mit sa main sur sa joue.

Tout semblait si facile pour Mendelssohn... ses parents l'aimaient inconditionnellement, ne lui refusaient jamais rien, et il avait eu une enfance et une éducation remarquable. Il n'était pas noble, ni vraiment bourgeois, mais il était né dans une famille de banquiers, et ainsi vivait très bien.

Et son esprit était toujours stable, et ne lui jouait jamais de tours...

"Tu n'as pas besoin de lui."

Il se crispa. Son poing se serra sur sa plume.

- P... Pardon...? Osa-t-il dire, à haute voix.

Comme si on allait lui répondre.

"Tu ne mérites pas Meritis."

- Il... Il est gentil avec moi...

La mélodie des sentimentsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant