La vie parisienne

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- Meritis, je suis touché que tu te préoccupes autant de ma santé, mais... ce n'était peut-être pas la peine d'emmener avec nous tous ces médecins...

Alors qu'ils avaient posé le pied sur le trottoir, Mendelssohn tourna la tête vers les trois médecins et les quatre infirmières descendant de la seconde voiture, garée derrière la leur.

- Il vaut mieux prendre des précautions. Fanny m'a dit que... Enfin, je sais que ta santé peux parfois décliner. Je pourrais tenter de te calmer mais je ne pourrais pas te soigner seul.

Schumann regarda ailleurs. D'un côté, il était touché de cette attention, mais de l'autre, ce traitement faisait peser sur lui un sentiment de honte, presque d'humiliation, qu'il préférait taire.

- Après, il y aura bien sûr le personnel de l'hôtel, et des médecins ici... mais ceux de ma famille connaissent bien ta condition.

- L'hôtel? À ce propos, où sommes-nous? Lui demanda-t-il par curiosité, mais surtout pour changer de sujet.

- Sur la place des Vosges. Il n'y a pas de lieu plus prisé par la haute société parisienne. En ce qui concerne notre logement, je nous ai réservé un appartement au Pavillon de la Reine, et lui montra le haut et lumineux bâtiment qui se tenait devant eux.

Schumann manqua de s'étouffer.

- Au... pardon?!

- Oui, la reine Anne d'Autriche y aurait séjourné, c'est de là que vient son nom. J'ai hésité, car il y a aussi un grand hôtel, le Meurice, qui vient d'ouvrir et qui a très bonne réputation, et aurait très bien pu faire l'affaire. Mais je crois bien ne jamais avoir dormi dans la chambre d'une reine! Puis les grands magasins sont tous près.

Schumann resta sans voix. Mais il se dit aussi qu'il aurait dû s'y attendre. Il voulu lui dire qu'il était mal à l'aise à l'idée de loger dans un lieu si luxueux, qu'il voulait aller réserver la chambre d'un hôtel des plus simples, mais il ne voulait pas l'indisposer et le décevoir.

Ses mains gantées liées, il observa son compagnon commander à un homme de faire porter leurs bagages à leur chambre, et dire aux médecins d'aller rejoindre leur hôtel, qui était évidemment bien plus modeste, mais placé néanmoins près de leur quartier, en cas d'urgence.

Mendelssohn semblait plus que ravi à la perspective de ce séjour, et il commandait ces employés aussi bien qu'il commandait son orchestre, avec droiture et ferveur afin d'obtenir satisfaction - la sienne, mais aussi celle de son public ou de son entourage. Schumann baissa les yeux. Son cœur n'était pas aussi empli de joie ni de force. Sans doute était-il fatigué de ce long voyage.

- Attention avec cette malette! Ce qu'elle contient est précieux!

Reprenant un tant soit peu de force, il se frotta les mains, de sorte à les réchauffer. Même s'il avait l'habitude des rudes hivers allemands, il n'était pas hermétique au froid.

Il continua d'observer son compagnon, qui sortait lui-même un bagage de la voiture en vociférant. Il avait tant de charisme à ses yeux. Tant de perfection. Ses cheveux dorés en légères boucles dépassaient de son couvre-chef et couvraient son front, cachaient presque ses yeux. Ses lèvres fines, qui prononçaient des ordres qu'il n'entendait pas, lui donnaient l'envie de les goûter une nouvelle fois. Et son air sérieux était tant satisfaisant à contempler.

Il était tant pris dans sa contemplation qu'il ne sentit même pas son corps vaciller.

- Herr Schumann, allez-vous bien?

Il leva faiblement la tête vers le médecin qu'il l'avait attrapé entre ses bras. Il avait une petite moustache brune, un visage rond et des yeux bleus froids. Il le reconnu rapidement ; il s'était plusieurs fois occupé de lui.

La mélodie des sentimentsWhere stories live. Discover now