Innocence

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Pauline poussa la porte de la cuisine, qui s'ouvrit sur le jardin. Lorsqu'elle vit la femme qu'elle cherchait, assise sur une marche avec un cigare entre les doigts, son visage s'illumina.

- Aurore, vous êtes là ! Que faites-vous ici, seule?

- J'avais besoin de réfléchir. Le calme est difficile à trouver ici.

Pauline déglutit, embarassée mais heureuse de la voir.

- Je vous cherchais partout. Lorsque je suis arrivée ce matin, j'ai pu vous saluer mais vous m'avez vite quittée.

- J'avais à faire. Des manuscrits à corriger. Je suis heureuse de vous voir ici, ma chère Pauline. Je me demandais lorsque vous reviendriez à Nohant.

- J'ai beaucoup travaillé ces derniers temps, alors mon père a accepté.

- Je vous félicite. J'ai hâte de vous entendre chanter.

Elle rougit légèrement, et posa son regard sur le jardin où la nuit tombait en s'éclaircissant la gorge.

- Sophie m'a dit que Maurice avait fugué, et qu'il était revenu sain et sauf. J'en suis rassurée.

- En effet...

- Vous deviez être inquiète...

Elle ne la regardait toujours pas, et prit une bouffée de son cigar.

- Bien sûr que je l'étais. Ce n'est pas parce que l'on ne montre pas ses faiblesses que nous n'en avons pas... particulièrement dans mon cas.

- Alors pourquoi ne pas l'avoir fait envoyer chercher?

- Sophie vous en a définitivement beaucoup dit, soupira-t-elle. Maurice est à l'aube de l'adolescence. Il sera bientôt un jeune homme. Il a besoin d'apprendre seul, et je savais où il irait. Frédéric m'a envoyé un billet plus vite que mes amis ne se soient aperçus de sa disparition. Qui suis-je pour interdire la liberté à mon fils? Bien sûr s'il avait fugué sans m'indiquer chez qui il se dirigeait, j'aurais appelé la police sans tarder. Mais j'avais confiance en lui. 

- Je vois... avança-t-elle, même si au fond elle ne comprenait pas trop cette façon de penser.

- J'aime mes enfants plus que tout au monde, lui dit-elle. Je ne suis seulement pas de ces femmes qui aiment passer des heures à les dorloter, même si les gâte. Je souhaite les laisser libres.

- Je le sais bien...

- Excusez-moi, soupira-t-elle à nouveau. Cela ne vous concerne en rien. C'est seulement que j'ai eu une discussion avec Marie, d'après qui je les délaisse. Elle ne comprend pas que j'aime mon fils et que ses revendications sont seulement dûes à son fort caractère. Cela lui vient de son père... enfin. Pourtant elle ne s'occupe pas mieux de sa propre fille.

Pauline resta d'abord silencieuse. Elle retint ses paroles, mais elle réalisa aussi que c'était la première fois qu'elle l'entendait évoquer son ancien mari. Elle en parlait assez peu, même jamais. Elle aurait voulu en savoir plus, sur lui, sur eux, mais n'osa pas poser de question.

- Puis-je fumer? Demanda-t-elle de nulle part en voyant son cigar, et en s'asseyant sur la marche à ses côtés.

Ça ramènera une meilleure ambiance, et c'est vrai qu'elle voulait essayer.

Sand se tourna vers elle, haussant un sourcil. Et lui tendit son cigar.

- Vous acceptez? Mon père ne me l'aurait jamais accordé!

- Vous êtes mon amante. Vous pouvez bien être libre à mes côtés.

Elle se mit à rougir naïvement.

La mélodie des sentimentsDonde viven las historias. Descúbrelo ahora